Généralisation de la 4G sur l’ensemble des réseaux mobiles, déploiement de la fibre pour tous les foyers français, implantation des datacenters au plus proche des nœuds stratégiques… Les enjeux relatifs à l’aménagement numérique du territoire sont nombreux

Mettre à la disposition des entreprises et des Français un accès à Internet et à la téléphonie via l’équipement du pays en réseaux fixes et mobiles… Telle est l’ambition des politiques d’aménagement numérique du territoire poursuivies par les gouvernements successifs depuis de nombreuses années. Avec l’ambition d’offrir, lorsque cela est possible, les technologies dites « très haut débit » les plus performantes, telles que la fibre optique pour les réseaux fixes, et la 4G ou la 5G pour les réseaux mobiles.

L’action de l’État se concrétise dans ce domaine par des initiatives comme le « New Deal » mobile. Annoncé en janvier 2018, ce dispositif a pour objectif de généraliser une couverture mobile et une augmentation de la qualité des communications en France métropolitaine. En priorisant l’objectif d’aménagement des territoires plutôt qu’un critère financier pour l’attribution des fréquences, l’État a décidé d’orienter l’effort des opérateurs vers la couverture du territoire, au moyen d’obligations de couverture. Les opérateurs doivent ainsi respecter une série d’obligations, retranscrites dans leurs licences, et contrôlées par l’Arcep :

  • La généralisation de la 4G sur l’ensemble des réseaux mobiles
  • La couverture ciblée : améliorer la couverture de manière localisée pour répondre aux besoins identifiés par les pouvoirs publics
  • La couverture des principaux axes routiers et ferrés
  • L’amélioration progressive de la qualité des réseaux mobiles
  • La couverture indoor, à l’intérieur des bâtiments
  • Le développement de la 4G fixe

L’État a également pour objectif que tous les foyers français soient raccordables à la fibre en 2025. Selon l’Arcep, 77 % des locaux sont désormais couverts par la fibre optique, soit plus de 33 millions de locaux, à fin septembre 2022. Mais selon l’édition 2022 de l’Observatoire de la satisfaction client de l’Arcep, 51 % des abonnés à une offre fixe ont déclaré avoir rencontré un problème, alors qu’ils sont moins de 30 % à avoir signalé un dysfonctionnement avec leur offre mobile.

49 % des plaintes sont liées à des problèmes de qualité de service, loin devant les fraudes et appels indésirables (27 %). Beaucoup d’alertes font état de problèmes (nombre de prises insuffisantes, fibres cassées) dans les points de branchements optiques ou au point de mutualisation qui engendrent des débranchements, précise l’ARCEP.

Les datacenters au cœur de l’aménagement numérique du territoire

Mais l’aménagement numérique du territoire passe aussi par l’installation de datacenters sur tout le territoire. Véritables « usines » servant l’industrie du numérique et les usages qui en découlent, les datacenters sont essentiels dans une économie de plus en plus numérisée au sein de laquelle les besoins en matière de stockage de données et de puissance de calcul sont en croissance constante.

Les pouvoirs publics soutiennent activement ces implantations, comme en témoigne Flavien Vottero, directeur d’études stratégiques et économiques chez Xerfi : « L’État a réduit de près de la moitié la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité pour les gestionnaires de ces centres, tandis que des collectivités, notamment des régions, apportent, elles, leur soutien financier à ces opérateurs pour développer leur attractivité auprès des entreprises. »

Un enjeu de souveraineté nationale

Mais pour Sami Slim, directeur général de Telehouse, l’implantation des centres de données sur le sol français relève aussi d’un enjeu de souveraineté nationale : « Les datacenters jouent un rôle économique primordial, leur présence sur le territoire national est donc cruciale si nous voulons survivre dans ce monde numérique et si nous souhaitons éviter d’être déplacés et de devenir une colonie numérique. Si les territoires arrêtent d’implanter des datacenters, vous allez devoir acheter votre vidéo Netflix en Chine ou aux États-Unis. »

La spécialité de Telehouse est d’assurer le transit de données entre les grands producteurs de contenus (Netflix, Amazon, Google…) et les distributeurs (Orange, Free, Bouygues Telecom…). Ses centres de données doivent donc être situés être au plus proche des opérateurs télécoms, autrement dit des « fibres ». Car c’est là que les performances et les gains énergétiques sont les plus élevés.

L’impact environnemental : autre contrainte pour les datacenters

L’enjeu environnemental est un autre défi que les centres de données doivent relever. « La France et l’Europe sont en train de se réindustrialiser, de relocaliser ces ‘usines’ un peu particulières sur leur territoire. Dans le cadre de cette réindustrialisation, il y a un vrai sujet urbanistique et d’aménagement du territoire. Il est donc normal que les pouvoirs publics, les médias et la société en général se questionnent sur la manière d’implanter ces installations et de gérer leur impact sur l’environnement », ajoute Sami Slim.

Selon les données fournies par l’Ademe et l’Arcep dans le cadre d’un rapport publié début 2022 et intitulé « Empreinte environnementale du numérique en France », les premiers responsables des impacts du numérique sont les terminaux « utilisateur », c’est-à-dire les appareils électroniques (entre 64 % et 92 % des impacts), immédiatement suivis par les centres de données (entre 4 % et 22 % des impacts) et les réseaux (entre 2 % et 14 %).

« Les impacts environnementaux sont principalement dus au nombre de mètres carrés de salle informatique, au nombre de serveurs, de stockage, ou encore à la consommation électrique. En analysant plus en détail les équipements constituant un centre de données, ce sont les serveurs en particulier et le stockage dans une moindre mesure qui génèrent le plus d’impacts », détaille l’étude.

Les centres de données implantés sur le territoire sont par ailleurs soumis à un véritable « effet ciseaux », comme on peut le lire dans une étude de Xerfi : « Les hébergeurs et gestionnaires de datacenters présents en France se heurtent à un redoutable effet ciseaux. Notre analyse financière montre que leurs coûts s’envolent avec, d’une part, des investissements de capacités pour répondre à l’hypercroissance de la demande (avec 210 datacenters neutres installés en 2024 contre 186 en mars 2021 d’après nos calculs) et, de l’autre, la flambée des prix de l’énergie », détaille Alexis Jouan, directeur d’études et expert dans les services aux entreprises.

L’aménagement numérique du territoire est donc confronté à de très nombreux enjeux, de nature multiple. Seule une réflexion collective et concertée permettra de mener à bien les innombrables projets soutenus par les pouvoirs publics ou émanant d’initiatives privées.

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