Le colloque « Métavers, un nouveau champ de bataille ? », organisé par le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC), laboratoire d’idées de l’armée de Terre, a été consacré aux implications et aux applications concrètes du métavers pour la Défense. Toute proportion gardée en matière de sécurité, tous s’accordent à dire : « il faut y aller. »

D’entrée, Mathieu Flaig, directeur Stratégie RH et Transformation chez la société de services et de conseil en informatique Sqorus, a planté le décor en donnant une définition très pertinente du métavers : « le métavers est un réseau persistant, massivement évolutif, de mondes virtuels interconnectés, axés sur l’interaction en temps réel, où les gens peuvent travailler, interagir socialement, effectuer des transactions, jouer et même créer. »

Pour le colonel Samir Yaker, chef de bureau « Champs immatériels » au CDEC, les opérations militaires en général, et dans le métavers en particulier, doivent être pensées en termes de capital informationnel. « J’entends par là, en termes de gains et de pertes potentiels, ceux-ci ayant immédiatement, et de manière directe ou indirecte, une conséquence sur la liberté d’action du chef – de celui qui décide – », a-t-il affirmé.

Si on appréhende le métavers en termes d’espace de confrontations, l’engagement dans ce réseau aura, selon lui, deux finalités : amplifier l’action dans les champs physiques, et entretenir, développer et amplifier le dilemme tactique chez l’ennemi. « Celui qui décide plus vite dans une confrontation militaire a des chances de l’emporter. En enrayant et en perturbant le cycle décisionnel de l’adversaire, on ralentit ce cycle, ce qui provoque de mauvaises décisions ou pas de décisions du tout », a expliqué le colonel Samir Yaker.

Le colonel Jean-Gabriel Herbinet, chef d’état-major, pense, lui, que le métavers militaire devra être, pour l’essentiel, tourné vers la formation, l’entraînement, la répétition de missions. Il permettra aussi d’effectuer toute une série d’autres actes de type maintenance autour des jumeaux numériques. Hubert de Quievrecourt, chef du bureau marketing de recrutement de l’armée de Terre a, quant à lui, mis en avant l’intérêt du métavers dans le recrutement : « J’irai où sont mes cibles et mon cœur de cible ce sont, largement, les 17-32 ans, et en termes de cœur de cible, les 18-25 ans ». Il utilise déjà la réalité virtuelle, ainsi que la réalité augmentée, pour convaincre les potentielles recrues de s’engager dans l’armée de Terre. Les plateformes de jeux en ligne se trouvent également dans ses projets.

« Si on les considère comme un métavers, je suis en train d’y rentrer. Demain, j’y intègrerai des affiches de recrutement ‘sengager.fr’. Et je sais qu’un jour, on trouvera dans le métavers des Cirfa (Centres d’information et de recrutement des forces armées) », estime Hubert de Quievrecourt. Pour créer un Cirfa virtuel, il lui semble cependant devoir attendre que les métavers atteignent une masse critique d’utilisateurs, et surtout, que l’armée soit dans l’avenir prête à payer le « terrain » nécessaire pour l’installer en cryptomonnaie.

La data, nerf de la guerre

Pierre-Joseph Givre, directeur du CDEC, en est pour sa part convaincu, il faut y aller, et pas à petits pas mais à la vitesse des autres compétiteurs. « L’idéal serait de les précéder. Mais investir le métavers ne sera pas possible militaires seuls ni service public seul, il faut capter toutes les intelligences. Nous sommes des institutions lourdes, hyper verticales, mais on essaie de travailler en équipes, en mode projet », a-t-il affirmé.

Pour Pierre-Joseph Givre, s’il existe une seule raison militaire d’investir le Métavers, c’est celle de la guerre de la donnée. « Le Métavers est un énorme lac de données. Cette donnée, il faut la capter, la relier et, ceci fait, l’exploiter. C’est ainsi qu’on ciblera l’adversaire, au niveau stratégique, de façon létale ou non létale, mais en tout cas, c’est l’enjeu au combat », a-t-il souligné. La data, un défi à relever tant au niveau du renseignement que de l’influence, des opérations sur le terrain et du recrutement pour qualifier les candidats.

Le directeur du CDEC perçoit de nombreux champs d’applications pratiques pour le Métavers : « Le problème pour l’armée de Terre, bien plus que dans d’autres milieux que sont l’Air et la Mer, même si les fonds marins sont un peu complexes, ce sont les frictions sur le champ de bataille terrestre : elles sont géographiques mais humaines, ce qui est très difficilement modélisable. Avec le Métavers, il sera possible de les modéliser et de s’entraîner, de davantage s’approcher et évaluer les interactions notamment émotionnelles, chose qu’on est incapables de faire dans les simulations classiques. »

Il est par ailleurs persuadé que les terroristes feront du Métavers un de leurs lieux d’action : « ils vont créer des centres d’entraînement virtuels, voire préparer des opérations en temps réel, – puisqu’on peut aujourd’hui cartographier un endroit quasiment en temps réel -, y ajouter de la formation, conduire les opérations à distance et se guider avec les nouvelles lunettes Ray-Ban. Nous devons donc être capables de faire de même. »

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