
“L’agenda numérique européen n’est pas à vendre”
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Alors que Donald Trump a annoncé des droits de douane massifs sur les importations chinoises (+34 %) et européennes (+20 %), la France a tenu à répondre avec fermeté. Depuis le Forum InCyber, Clara Chappaz, secrétaire d’État chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, a dénoncé ce qu’elle qualifie de “guerre idiote” et refusé tout marchandage sur la souveraineté numérique européenne.
“Je regrette sincèrement le choix politique fait par l’administration américaine. Les droits de douane nourriront l’inflation. Et ce sont les citoyens américains qui seront les premières victimes de cette escalade.”
Face à cette offensive tarifaire, elle affirme la position de l’Union européenne : “l’Union européenne répondra de manière ferme et unie. Nous mobiliserons l’ensemble des instruments européens à notre disposition. Mais aucune mesure n’a été actée à ce stade. Nous échangerons à 27 sur la meilleure réponse.”
Au-delà du bras de fer commercial, la ministre a envoyé un signal très clair à ceux qui espéraient un adoucissement de la politique numérique européenne en échange d’un dégel tarifaire : il n’en sera rien.
“Je tiens à rappeler, si le doute était encore permis, que l’agenda numérique européen n’est pas à vendre. Il ne doit pas faire l’objet d’un marchandage.”
Elle défend bec et ongles les textes adoptés depuis 2023 — DMA, DSA, certification SecNumCloud — comme des piliers d’une Europe du numérique protectrice et indépendante.
“Ils protègent nos citoyens des ingérences étrangères, de la propagation de contenus toxiques, et de l’hégémonie des monopoles qui freinent l’innovation.”
Dans une logique résolument offensive, Clara Chappaz a rappelé que l’Europe dispose des atouts pour résister à la pression commerciale et même pour contre-attaquer en investissant dans son propre écosystème technologique.
“Nous avons une énergie décarbonée, des infrastructures de calcul publiques et privées, des talents enviés dans le monde entier, des entreprises leaders en cybersécurité et en intelligence artificielle. Nous avons toutes les cartes en main.”
Et d’appeler à ne plus s’auto-censurer : “La France et l’Europe doivent cesser de douter d’elles-mêmes. Nous devons assumer nos ambitions.”
Au-delà du discours géopolitique, Clara Chappaz a remis au cœur du débat une autre urgence : la banalisation des cyberattaques et la nécessité de démocratiser la cybersécurité.
“Quand un soignant doit faire face à une cyberattaque dans son hôpital, quand un conseil départemental ne peut plus verser les prestations sociales, quand une PME arrête sa production pendant plusieurs semaines, il est évident que la cybersécurité ne peut plus être l’apanage des grandes structures.”
Elle insiste sur le caractère universel du risque : “La question n’est plus “est-ce que je vais être attaqué ?” mais bien “quand vais-je l’être ?””
D’où l’importance de rendre la cybersécurité accessible, avec la loi Résilience, les initiatives de l’ANSSI ou encore le programme Cyber PME, qu’elle cite comme exemple d’un accompagnement ciblé pour les petites structures.
Clara Chappaz a enfin rappelé la nécessité d’un “choc d’investissement” dans les technologies de rupture — IA, quantique, cybersécurité, cloud — dans la lignée du rapport Draghi et de l’agenda de Versailles.
“Depuis 2018, avec France 2030, nous avons investi plus de 50 milliards d’euros. Il faut aller encore plus loin pour construire notre autonomie stratégique.”
En filigrane, un appel à consommer européen : “Des solutions européennes innovantes existent. Elles sont compétitives. Il est temps d’acheter européen, de jouer collectif, de soutenir les champions du continent.”
En refusant que le numérique devienne une variable d’ajustement dans une guerre commerciale, Clara Chappaz lie souveraineté technologique, protection économique et valeurs européennes. Elle appelle à une mobilisation collective, alignée sur une conviction : “nous devons construire notre autonomie stratégique du numérique. Ensemble.”