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La 5G : progrès ou menace à notre indépendance ? par Henri Tallon, Nokia

C’est environ tous les dix ans que l’on a la chance de voir l’introduction d’une nouvelle génération d’infrastructure de réseau mobile. Avec la 5G, nous vivons aujourd’hui une de ces rares occasions. En 2019, nous verrons en effet le lancement des premiers vrais réseaux dits de 5éme génération, avec de nouveaux mobiles et des couvertures radio certes initialement limitées aux grandes agglomérations mais pleinement opérationnels. Les Etats-Unis et la Corée du Sud revendiqueront, à juste titre, d’en avoir été les précurseurs, suivis du Japon, de l’Australie et de quelques pays du Golfe. L’Europe, elle, suivra en 2020 ; les régulateurs nationaux, n’attribuant qu’aujourd’hui les fréquences requises à un tel déploiement.

L’impact de la 5G sur nos sociétés pourrait être aussi essentiel que ne l’a été le GSM/2G il y a 30 ans ; assurément plus important que la 3G/WCDMA dans les années 2000 et que la 4G/LTE au début de la décennie.

Technologiquement, les innovations qui accompagnent la 5G en termes de Cloud Computing, d’Intelligence Artificielle et de Machine Learning sont en effet aussi révolutionnaires que n’ont été l’introduction du GSM, le premier standard universel, ainsi que la démocratisation des téléphones mobiles, permettant une mobilité partout et abordable pour la plupart.

Ensuite, la 5G a été conçue dès sa naissance pour connecter des « objets » de natures diverses, rendant l’Internet of Things (IoT) mobile et accessible en masse. Ainsi, les véhicules seront reliés entre eux, les villes deviendront intelligentes, chaque habitation hébergera une immense diversité d’objets connectés, l’humain lui-même deviendra connecté grâce à l’introduction de capteurs portables. On devine que les possibilités seront immenses. Tous les secteurs de l’économie en bénéficieront, du transport au médical, de la gestion de l’environnement et de l’énergie à l’industrie 4.0, de la réalité virtuelle et augmentée, à la recherche et l’éducation…allant même jusqu’à la sécurité publique. Aucun métier, aucune organisation ne sera directement ou indirectement épargné ; l’humanité toute entière en bénéficiera. La 5G constituera donc le système nerveux d’une économie numérique mondiale en donnant aux hommes et aux femmes un plus grand contrôle sur leur vie, automatisant les taches routinières afin d’améliorer leur productivité et leur qualité de vie.

Les réseaux mobiles, si cela n’était déjà pas le cas, vont donc rejoindre les autres composantes indispensables à un monde en développement permanent, tellement indispensable, tellement « naturel » qu’on ne s’en rendra même plus compte jusqu’au moment où, à la surprise générale, elle viendrait à faire défaut.

Compte tenu de l’environnement mondial actuel, caractérisé entre autres, par un système de relations économiques internationales basé sur la compétition, l’absence de maitrise de tels réseaux revêt, a minima, deux types de risques. Le premier vient d’être évoqué, c’est celui de la possibilité pour une organisation malveillante à l’égard d’un pays ou d’une société d’en perturber de manière très significative son fonctionnement. Sans communication, point de confort, point d’industrie ni de services, point de développement possible… et pire point de défense et de sécurité.

Le deuxième risque est celui de la protection de la propriété intellectuelle et d’une manière plus générale de l’espionnage industriel, économique et politique. La quasi-totalité de l’information et des données transitant inexorablement via les réseaux mobiles, il est techniquement faisable, pour celui qui en fournit l’infrastructure d’en surveiller, voire d’en capturer leur contenu.

Qui donc en maitrise les technologies ?

Depuis plus de 20 ans, la Chine a progressé très vite dans la maitrise des techniques les plus modernes. Le paysage de l’industrie des télécommunications a été totalement chamboulé par l’arrivée de méga sociétés chinoises, telles que Huawei et ZTE. Ces dernières ont entraîné une consolidation brutale du marché qui a vu la disparition de champions nationaux tels que le français Alcatel, l’américain Lucent, l’allemand Siemens, le canadien Nortel, l’anglais Marconi et bien d’autres. Ces changements ont nourri un puissant courant de destruction d’emplois à très haute valeur ajoutée au profit du nouvel arrivant.

Face à la montée en puissance continue de la Chine, l’Europe a des atouts technologiques et industriels à faire valoir. La tâche est difficile mais pas impossible. Elle passe en premier lieu par une prise de conscience de la situation. Mais est-ce bien le cas ? La question reste donc posée : la 5G est-elle une formidable chance de progrès pour la construction d’un monde meilleur ou un point de non-retour vers la perte de notre indépendance ?

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