itcoin, Ethereum, XRP, EOS, Stellar mais aussi Noku, Oxycoin, BitDice …Ces noms correspondent à des réalités bien différentes, mais tous sont assimilés à des crypto-monnaies. Depuis un peu plus d’un an, l’emballement médiatique est certain et nous avons tous entendu parler d’histoires de nouveaux millionnaires (ou milliardaires) en Bitcoin ou en Ethereum.Les médias s’empressent de parler d’un nouvel eldorado ; les foules se pressent pour acheter le nouvel or ou le nouveau pétrole.
Un an après, la situation est pour le moins différente mais aussi contrastée. Le bitcoin, la première des crypto-monnaie, est passée de 4 740$ à un peu plus de 7 000$ mais en passant par un pic à 19 000$ fin de l’année dernière. Que dire de l’Ether, divisé par deux et valant 7 fois moins qu’au moment de son apogée ? La bulle vient-elle d’éclater ? Les crypto-monnaies, une étoile filante comme tant d’autres ?
On observe surtout une rationalisation du marché, l’arrivée d’ailleurs de sociétés financières qui se positionnent sur le domaine. Les plateformes d’échanges, elles, sont prospères et se multiplient (même si une seule est en France, passerions-nous à côté du phénomène ?). Les services de trading de très gros volumes apparaissent ; les plateformes de high frequency trading pareillement …Sans aucun doute, des gagnants se dégagent : ceux qui se sont positionnés très tôt et ceux qui développent les outils. Ne disions-nous pas que les vrais gagnants de la ruée vers l’or sont les vendeurs de pioches ?
Et après une période sans régulation, étatique ou de facto par la présence d’acteurs financiers majeurs, nous sommes en train progressivement de passer à une autre ère. Les Etats se dotent progressivement de lois statuant par exemple sur le statut de monnaie de crypto-monnaies, ou sur celui d’asset financier assimilable à une action … Et les incidences fiscales sont importantes, puisqu’elles touchent la taxation des plus-values de particuliers, ou la logique comptable à appliquer pour les entreprises.
Néanmoins, le dernier rapport de Jean-Pierre Landau, chargé par le gouvernement d’une mission sur les crytomonnaie, remis au ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, préconise de se garder d’une régulation trop importante de ce domaine pour en garder toute la possibilité d’innovation. Seule une extension du cadre réglementaire existant concernant la lutte anti-blanchiment, le financement de la criminalité organisée et celui du terrorisme, est de fait envisagée.
Nous n’avons évoqué qu’un aspect très financier des cryptos, peu d’éléments concernant le paiement. Il est vrai que nous ne sommes pas dans une logique de multiplication de points de paiement ni en Europe, ni en France. Nous assistons plutôt à l’acceptation des solutions type Alipay ou WeChat qui sont bien plus demandées par les touristes ou les ressortissants Chinois.
Chacun a aussi entendu parler de nouvelles « monnaies » lancées par des Etats, voire même par certaines sociétés capitalistiques. Citons le Venezuela qui a lancé le « petro » en février de cette année avec deux objectifs : endiguer la dépréciation du Bolivar, leur monnaie historique, mais aussi contourner l’embargo américain sur les échanges. Cette tendance est probablement un point à observer avec attention dans une perspective géopolitique, car les équilibres des échanges financiers internationaux pourraient en être altérés avec par exemple dans le cas présent le soutien de la Russie. L’Iran est d’ailleurs en discussions pour les mêmes raisons. De manière moins visible, le crypto-rouble ou le crypto-yuan sont aussi en préparation. Le système financier de demain est donc peut-être en gestation en parallèle même de celui émanant des accords de Bretton-Woods.
Dans le domaine privé, nous assistons à des émissions monétaires par des entreprises. Les raisons sont multiples : fluidification des échanges intra-entreprises, optimisation des prix de transfert, association du public autrement que par les actions, financement… Intéressons-nous à ce dernier point. Des entreprises commercialisent ainsi des services dont la valeur est exprimée en « token », unité de valeur échangeable sur les plateformes. Pour l’anecdote, c’est la méthode de valorisation de son actif « fan » que le Paris Saint Germain Football Club vient de dévoiler. L’intérêt est de pouvoir plus facilement intéresser le public à la réussite de l’entreprise, sans passer par le truchement des participations au capital, nécessitant des connaissances plus pointues, et faisant intervenir un plus grand nombre d’intermédiaires.
C’est également un levier de financement des startups via l’Initial Coin Offering, où celles-ci vendent un droit d’usage de leurs futurs services, avec une promesse de gains, et pas seulement lorsque l’entreprise sera établie. Chaque jour, une nouvelle startup lève des montants considérables, sans commune mesure avec les approches traditionnelles relevant des business angels / Venture Capitalists. La spéculation est assurément à l’œuvre, et passer par une ICO semblait être la martingale pour non seulement faire fructifier son investissement mais aussi permettre à une startup de décoler, trouver son marché …. Et réussir ! Mais comme souvent dans le monde des cryptos, cette époque est désormais révolue et un encadrement juridique ainsi que des normes de qualité dédies aux ICO sont en train d’apparaitre. Toutefois, les ICO placées dans une logique de monétisation d’actifs tangibles auprès d’une communauté avec qui l’entreprise établi un lien direct, demeurent assurément une évolution positive de la levée de fonds.
En dernier lieu, et pour revenir aux fondements du Bitcoin et de l’Ether, ces crypto-actifs n’ont pas été créés / émis par une structure centralisée, mais directement par la communauté qui en assure la création, l’évolution, la maintenance, et qui par son usage au quotidien, en établit la valeur. Évidemment, même si la communauté n’est pas hiérarchisée, des mécanismes d’influence dans les réseaux sociaux digitaux, sont à l’œuvre et certains individus/ organisations ont un poids plus important que d’autres. Il s’agit sans doute d’un modèle économique d’avenir, comprenant des entreprises traditionnelles mais aussi des organisations décentralisées (DAO – Decentralized Autonomous Organization). Autrement dit, le passage d’un modèle de business du Producteur au Consommateur, à un modèle du Collectif au Consommateur. Peut-être une version moderne et digitale de la coopérative ?