(par le Général d’armée (2S) Watin-Augouard, Fondateur du FIC)

La loi annoncée par le Président Macron lors de ses vœux à la presse, le 3 janvier 2017, vient d’être promulguée après examen par le Conseil constitutionnel. Les Sages ont déclaré le texte conforme à la Constitution (décision n°2018-773 DC du 20 décembre 2018) avec pour seule réserve la limitation de son application aux informations dont le caractère inexact ou trompeur est « manifeste ». La loi organique n°2018-1201 du même jour intègre les dispositions de la loi précitée dans la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Avec les mêmes réserves, elle a également été déclarée conforme à la Constitution (décision n°2018-774 DC du 20 décembre 2018).

La loi concerne les élections législatives, sénatoriales et européennes, les opérations référendaires et, en application de la loi organique, l’élection du Président de la République. Elle est donc inopérante en ce qui concerne les élections locales (région, département, commune) et les élections primaires. Ses opposants objectaient que le corpus juridique existant était suffisant (loi du 29 juillet 1881 sur la presse (art.27[1]), code électoral (art.97[2]), code pénal). Cependant, l’objet de la loi n’est pas de viser les auteurs, souvent inconnus, mais d’agir sur les flux et donc principalement sur les plateformes. Les contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général sont ceux qui présentent un lien avec la campagne électorale. Ce lien est donc à mettre en évidence.

La loi modifie le code électoral, la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et impose un devoir de transparence (contenus sponsorisés) pour les opérateurs de plateforme en ligne. Elle crée une période de vigilance sous le contrôle du juge des référés, élargit les attributions du CSA et impose aux plateformes un devoir de coopération.

La loi du 22 décembre relative à la lutte contre la manipulation de l’information a été considérée par ses opposants comme liberticide ou inopérante. Malgré les critiques entendues lors de son examen et son rejet par le Sénat, elle a été jugée conforme à la Constitution. Son principal défaut est sans doute d’être « franco-française », alors que la question mériterait un traitement à l’échelle de l’Europe. La Commission européenne a pris conscience du problème en 2015 et a été sensibilisée par les manipulations de l’information ayant marqué le referendum sur le Brexit puis l’élection présidentielle française. Elle a constitué un groupe de travail de haut niveau et lancé une consultation publique, le 13 novembre 2017. Le 26 avril 2018, Mariya Gabriel, commissaire européen à l’Economie et à la Société numérique, a présenté une communication sur la lutte contre la désinformation en ligne. Face à ce phénomène, les Etats membres avancent en ordre dispersé, certains privilégiant des actions non contraignantes, d’autres (Allemagne, France) optant pour des voies législatives. La Commission européenne favorise une approche basée sur l’auto-réglementation, telle qu’exprimée dans sa communication. Parmi les mesures avancées, la mise en place d’un code de bonne pratique (qui rappelle le Code de conduite de l’UE contre les discours haineux et contenus à caractère terroriste), la création d’une plateforme en ligne européenne sécurisée portant sur la désinformation, le renforcement de l’éducation aux médias, le soutien par les Etats d’un journalisme de qualité. Un rapport devrait être prochainement établi sur le sujet. Quelles qu’en soient les conclusions, la question centrale portera sans aucun doute sur une modification de la directive e-commerce du 8 juin 2000 qui offre aujourd’hui un statut favorable aux plateformes. Cette directive est un verrou qui explique les dispositions, souvent peu contraignantes à leur égard, de la loi du 22 décembre 2018.

[1] L’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse punit d’une amende de 45 000 euros « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler ». L’article 32 de la même loi réprime, quant à lui, la diffamation par voie de presse ou tout autre moyen de publication.

[2] L’article L. 97 du code électoral punit d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros « ceux qui, à l’aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s’abstenir de voter ».

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