Pour la première fois de son histoire, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République. Le Président du Sénat et 106 députés en ont fait de même. Pour les uns, il s’agissait de lever le doute sur la constitutionnalité de la loi sur le renseignement, pour les autres de faire censurer les articles qu’ils estimaient « liberticides ». Les Sages ont tranché!

La légitimité du renseignement exige une loi précise, accessible à tous, et qui, par ses finalités et les moyens mis en œuvre, réponde à un besoin social impérieux, à une nécessité d’intérêt public, et respecte le principe de responsabilité. Cette proportionnalité entre la fin et les moyens est, avec le strict encadrement par la loi des mesures intrusives, le « fil rouge » de la démonstration du Conseil, soit pour déclarer un article conforme à la Constitution, soit pour le censurer.

Est jugé non conforme à la Constitution l’article L.821-6 du code de la sécurité intérieure qui instituait une procédure « d’urgence opérationnelle » permettant aux services, en cas de menace imminente, de mettre en œuvre des techniques de renseignement, sans information du ministre concerné, sans autorisation du Premier ministre et sans avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). La menace imminente ne justifie pas une telle disproportion par rapport au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

Est également censuré l’article L. 854-1 relatif aux surveillances des communications émises ou reçues à l’étranger. Le Conseil reproche à la loi de n’avoir pas défini les règles concernant les garanties fondamentales. Le renvoi à un décret en Conseil d’État des conditions d´exploitation, de conservation et de destruction des renseignements, ainsi que des modalités d’exercice du contrôle par la CNCTR méconnaît l’article 34 de la Constitution qui définit le domaine de la loi.

Enfin, une censure plus technique affecte les dispositions de l’article L. 832-4 relatives au budget de la CNCTR qui doivent relever d’une loi de finances.

Les opposants au texte espèrent désormais une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme. Mais celle-ci a déjà jugé en 1978 (arrêt Klass c. Allemagne) que » les sociétés démocratiques se trouvent menacées de nos jours par des formes très complexes d’espionnage et par le terrorisme, de sorte que l’État doit être capable, pour combattre efficacement ces menaces, de surveiller en secret les éléments subversifs opérant sur son territoire ». Selon l’article 8 alinéa 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les dérogations au droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et des correspondances doivent être légitimes, nécessaires et proportionnés au but poursuivi : « Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’il ne lui appartient pas de juger de la conventionalité des lois, le Conseil constitutionnel n’a pas eu recours à un raisonnement différent pour déclarer conforme à la Constitution l’essentiel de la loi sur le renseignement.

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