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Bye-bye Microsoft ! Comment les organisations se mettent (enfin) au logiciel libre


De la théorie à la pratique. Dès fin septembre, la moitié des 60 000 fonctionnaires du länder allemand du Schleswig-Holstein, près de trois millions d’habitants, frontalier du Danemark, n’utiliseront plus aucune solution Microsoft sur leur lieu de travail. « Chez nous, Teams, c’est fini ! », s’enthousiasme Dirk Schrödter, ministre régional de la numérisation, en référence à l’une des applications phare de Microsoft. « Les développements géopolitiques de ces derniers mois (guerre en Ukraine, au Proche-Orient, retour de Donald Trump à la Maison Blanche…) ont renforcé l’intérêt pour le chemin que nous avons pris, surtout en Europe », assure-t-il.

Des millions d’euros économisés
Les fonctionnaires vont donc abandonner progressivement tout l’écosystème Microsoft, comme les logiciels Word et Excel, remplacés par LibreOffice, puis la messagerie Outlook au profit d’Open-Xchange et de Thunderbird. Sharepoint doit également laisser place à la solution nextcloud. Et ce n’est pas tout. Grâce à ces solutions alternatives, le länder ambitionne également d’économiser des dizaines de millions d’euros. « Au lieu d’investir dans des droits de licence et de financer ainsi l’avance technologique des fournisseurs non européens par des fonds publics, nous soutenons le développement de l’économie numérique nationale », se félicite M. Schrödter.
Perte de repères
Mais la migration n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Ainsi, à Lyon (lire encadré), la bascule remonte à l’an dernier, avec quelques craintes face à la nouveauté. « Quand on a dit aux agents qu’on allait quitter Microsoft, se souvient Jean-Marie Seguret, directeur des systèmes d’information à la mairie de Lyon, ils ont eu peur d’une perte de repères, c’était la panique. Les vrais blocages sont apparus quand les gens ont constaté sur certaines applications très fortement intégrées à l’écosystème Microsoft qu’ils allaient devoir renoncer à des facilités de transition de données entre le logiciel métier et leur suite bureautique. »
Une communauté effervescente
Dans le département voisin de l’Isère, la commune de Fontaine, 22 000 habitants, dans la banlieue de Grenoble, a elle aussi décidé de tourner la page Microsoft. La migration a été menée progressivement, jusqu’à atteindre un poste de travail 100 % libre (Linux, LibreOffice, Firefox et Fogo pour la messagerie). La ville économise aujourd’hui 80 000 à 100 000 € par an, tout en prolongeant la durée de vie de ses ordinateurs. « L’un des atouts du libre, se réjouit Olivier Luthier, DSI à la mairie de Fontaine, c’est l’effervescence de sa communauté. C’est le terrain de jeu favori des étudiants à travers le monde, ce qui contribue à la sécurisation des logiciels, parce que c’est du code lisible. Il existe des bases de données communautaires pour filtrer internet, ce qui nous intéresse pour nos écoles élémentaires. Et ça ne coûte rien aux mairies ! » Déjà la moitié des 800 postes utilisateurs sont sous Linux dans le parc de la mairie de Fontaine.
Un open source cadré et organisé
Mais Linux n’est pas une solution miracle, tempère toutefois Régis Josso, ingénieur et directeur de l’hébergeur français et infogéreur DRI situé à Nantes, 100 % sous logiciel libre : « Avec le libre, il faut créer la documentation et enrichir soi-même la communauté. Chez Microsoft, c’est rassurant, vous avez un vrai support. Pour Linux, c’est plus anxiogène. Il faut trouver les bonnes personnes avec la méthode et les compétences pour travailler en mode projet. Attention aux savants fous ! Certains ingénieurs vont bricoler comme s’ils étaient dans leur garage alors qu’ils sont payés pour rendre des comptes à un client. L’open source n’a sa place dans l’entreprise que s’il est cadré et organisé. » Entré en vigueur en avril 2024, un récent règlement européen, l’« Interoperable Europe Act » pourrait accélérer le mouvement. Il favorise la coopération entre les administrations publiques de l’Union européenne et encourage l’usage des logiciels libres.
Ville de Lyon : un cas d’école et un choix politique
Dans la 3ème ville de France, on a réfléchi et bâti pendant trois ans un modèle alternatif à Microsoft. La majeure partie du parc informatique de la mairie de Lyon aura migré d’ici mars prochain. Souveraineté et sobriété : tels sont les deux enjeux majeurs que le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, avait fixé à son exécutif, et qui ont guidé la démarche : « L’idée était de s’éloigner le plus possible des GAFAM, se souvient Jean-Marie Seguret, directeur des systèmes d’information à la mairie de Lyon, à cause à la fois d’un risque de fuite des données et au nom de la lutte contre l’évasion fiscale et le monopole des géants américains du cloud. Par ailleurs, les suites logicielles nous poussaient à une obsolescence technique et à un remplacement excessif du matériel. » Or, selon l’ADEME, le hardware représente à lui seul plus de 80% de l’empreinte carbone numérique d’une organisation. Depuis octobre 2024, la mairie de Lyon est donc entrée dans une phase de déploiement actif, avec chaque mois 300 à 350 utilisateurs qui basculent sur OnlyOffice. Au total, ce sont donc plus de 4 000 employés qui ont été formés et utilisent aujourd’hui le logiciel au quotidien. Il reste environ 3 000 postes à équiper d’ici mars 2026, date de la fin du mandat.
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