Les Campus Cyber territoriaux, véritables catalyseurs économiques

Après le vaisseau amiral situé à la Défense, les Campus Cyber se sont développés à Lille, Bordeaux, Caen et Marseille. Jouant le rôle de guichet unique de la cybersécurité pour les entreprises concernées, ils constituent aussi un vrai relais d’attractivité et de développement économique.

Inauguré en février 2022 à La Défense, le Campus Cyber parisien se définit comme un lieu totem de la cybersécurité. Il rassemble les principaux acteurs nationaux et internationaux du domaine, y compris des entreprises, des services de l’État, des organismes de formation, des acteurs de la recherche et des associations. Il a par la suite essaimé en région, donnant naissance à des Campus Cyber territoriaux à Lille, Bordeaux, Caen et Marseille.

Labellisé en juin 2022, le Campus Cyber Hauts-de-France Lille Métropole a été officiellement lancé en avril 2023 lors du Forum InCyber. « Depuis un an et demi, notre action s’est portée sur le fait de nous faire connaître, d’identifier puis de rassembler tous les acteurs de la cybersécurité des Hauts-de-France, que ce soient les ESN ou les pure players de la cybersécurité. Nous ciblons aussi les entreprises consommatrices de services de sécurité, afin de leur proposer des actions de sensibilisation et de formation. Nous comptons aujourd’hui plus de 70 membres et avons sensibilisé ou formé entre 300 et 500 personnes en 2024 », déclare Florence Puybareau, Directrice des opérations du Campus Cyber Hauts-de-France Lille Métropole.

Le Campus Cyber Hauts-de-France Lille Métropole a également pour vocation d’organiser des événements fédérateurs, comme le Campus Cyber Summit qui a attiré quelque 350 personnes le 17 octobre dernier. Une activité d’incubation et d’accélération de start-ups est par ailleurs proposée. « Cette activité caractérise notre Campus Cyber. Comme nous dépendons d’EuraTechnologies, un des principaux incubateurs en Europe, nous avons récupéré la verticale cybersécurité. Nous accompagnons une quinzaine de start-ups dans ce domaine. C’est très important pour nous, car ce sont des compétences et des emplois qui restent sur le territoire », ajoute Florence Puybareau.

En 2025, Florence Puybareau souhaite développer les relations avec les autres Campus Cyber territoriaux, ainsi que la partie jobboard. « Nous avons cartographié tous les prestataires en cybersécurité, ainsi que toutes les formations diplômantes de la région. Nous souhaitons désormais construire un jobboard afin de permettre aux personnes qui cherchent des postes en cybersécurité de répondre à des annonces ou de se former », précise la Directrice des opérations.

Campus Cyber Euromed : à l’interface du Nord et du Sud

Petit dernier des campus territoriaux, après l’ouverture de ceux de Lille, Bordeaux et Caen, le Campus Cyber Euromed, premier pôle territorial du Campus Cyber Région Sud, a été inauguré en octobre dernier. Il s’organise de manière très différente du Campus Cyber Hauts-de-France Lille Métropole. Basé à Marseille, il sera complété par la création d’antennes à Toulon, Sophia-Antipolis et Salon-de-Provence. Dans cette dernière ville se trouve en effet la base aérienne 701 qui abrite le centre d’excellence cyber de l’armée de l’air.

Autre caractéristique du Campus Cyber Euromed : sa forme juridique et la nature de ses cofondateurs. « Nous nous sommes constitués en SAS et avons l’objectif de devenir une entreprise à mission. À l’origine de ce projet, des industriels locaux : CMA CGM, la Caisse d’Épargne CEPAC, l’Aéroport de Marseille-Provence, Unitel Group et FDJ. Notre ADN est d’ailleurs très proche de celui du campus parisien. Nous disposons d’un comité d’orientation stratégique qui réunit la région, la métropole Aix-Marseille-Provence, la ville de Marseille, l’ANSSI et les entreprises cofondatrices », précise Clément Rossi.

Quant aux missions du Campus Cyber Euromed, elles rejoignent celles des autres campus. Parmi elles figure l’objectif d’augmenter le niveau de cybersécurité global du territoire, le Campus Cyber Euromed jouant le rôle de plateforme de mutualisation, d’orientation et d’accompagnement des entreprises. « Entre ce que proposent les CSIRT régionaux, les dispositifs de subvention de la région PACA, MonAideCyber et le site cybermalveillance.gouv, notre rôle est de tout concentrer et de proposer un guichet unique vers lequel tout le monde se dirige », note Clément Rossi.

Mais augmenter le niveau de cybersécurité global du territoire passe aussi par une prise de contact avec ce que Clément Rossi appelle les « oubliées de la cybersécurité », c’est-à-dire les entreprises rentrant dans le périmètre de NIS2. « NIS2 va concerner entre 15 000 et 18 000 organisations en France. La région PACA représente 12 % du PIB français, soit 1 600 organisations assujetties à NIS2. Si nous enlevons les 300 entreprises régionales au bon niveau (OIV, grandes entreprises etc), nous avons plus d’un millier de structures à aller chercher et accompagner », analyse-t-il.

Autre spécificité du Campus Cyber Euromed : son ouverture internationale. « Marseille constitue l’interface entre la rive Nord et la rive Sud de la Méditerranée, et un carrefour stratégique entre l’Afrique et le Moyen-Orient. En outre, Marseille est le point d’arrivée de 18 câbles sous-marins reliant de très nombreuses plaques géographiques dans le monde, et le cinquième hub européen en termes de datacenters », commente Clément Rossi.

Le Campus Cyber Euromed occupe une surface de 2 000 mètres carrés, sur deux étages de la Tour Mirabeau à Marseille. Il propose des espaces de coworking, des infrastructures techniques et des salles de gestion de crise. « Lorsqu’elles sont adhérentes, les entreprises peuvent venir chez nous pour réaliser leurs exercices de gestion de crise. Pour les sociétés qui n’en font pas encore, c’est une bonne opportunité de s’y mettre, surtout dans le contexte de NIS2. Et pour celles qui les pratiquent déjà, l’enjeu est d’embarquer leur supply chain dans cette logique », déclare Clément Rossi.

Campus Cyber en région : facteurs clés d’attractivité économique

Les deux témoignages précédents montrent que les Campus Cyber jouent un rôle clé au sein des territoires français. « Parmi les grands enjeux des territoires figurent aujourd’hui la réindustrialisation, la transition énergétique et l’alimentation. La cybersécurité est un sujet émergent pour lequel un travail important doit encore être réalisé, dans un contexte où le nombre de cyberattaques contre les collectivités s’accentue chaque année un peu plus si l’on en croit les chiffres de l’ANSSI. Qui plus est, le contexte géopolitique actuel n’arrange rien », analyse Paul Cueva-Gamard, Directeur développement des territoires / affaires publiques chez Forward Global.

Pour Paul Cueva-Gamard, la déclinaison des Cyber Campus en région est une très bonne initiative, notamment sur le plan économique : « Elle permet de sensibiliser les élus aux enjeux de cybersécurité, tout en s’inscrivant dans une stratégie d’attractivité économique. Quand une entreprise française ou étrangère de ce secteur veut s’implanter sur un territoire, le fait qu’il existe un Campus Cyber est un argument de poids. Cela signifie qu’un écosystème structuré est en place et qu’il intègre des initiatives dans lesquelles il est possible de s’insérer, avec le soutien des acteurs publics ».

Au-delà de l’attractivité, les Campus Cyber sont également un outil de développement économique. « Les Campus Cyber sont synonymes de réseaux regroupant des acteurs publics et privés avec lesquels des relations d’affaires peuvent se nouer. Cela signifie l’accès à de nouveaux marchés, mais aussi le développement de projets communs, par exemple sur les logiciels libres. Ils ouvrent aussi la porte à des appels à projets européens. Enfin, les Campus Cyber sont une bonne opportunité pour les PME de mutualiser des moyens techniques pour, par exemple, se former », ajoute Paul Cueva-Gamard.