Dans le cadre du Mois européen de la Cybersécurité, nous avons souhaité nous pencher sur le cas des jeunes. Omniprésents sur les réseaux sociaux, ils sont une proie facile pour les cybercriminels. Comment leur apprendre à mieux se protéger ? Les réponses d’Aurélie Bauer, cheffe du CFSSI (Centre de formation à la Sécurité des systèmes d’information) et de Diane Rambaldini, co-fondatrice et présidente de l’association ISSA France. 

Les jeunes sont-ils une catégorie « à risque » face au danger cyber ?

Aurélie Bauer : du fait de leur usage massif du numérique, les jeunes sont très exposés, mais il n’est pas nécessaire d’être une cible pour être une victime. Tout  individu, toute entité juridique (PME, TPE…) peut faire l’objet d’une cyberattaque.

Diane Rambaldini : oui, il faut relativiser la notion de « catégorie à risque » car tout le monde est concerné. Cependant, l’adolescence est un âge délicat car le portable fait son entrée dans le quotidien du jeune alors que celui-ci se trouve dans un contexte de transformation psychologique, physique… Il convient donc d’être vigilant.  

Ces adolescents ont-ils conscience des risques ?

A.B : non. Souvent, ils ne se sentent concernés. Il convient donc de leur expliquer dès le plus jeune âge que tout ce qu’on fait sur internet peut être stocké et queoute donnée peut être monétisée.

D.R : avec les adolescents, nous sommes face à un public particulier qui mêle deux profils : des victimes mais aussi, parfois, des auteurs de délits. Avec notre association, nous sommes déjà intervenus auprès de mineurs ayant réussi à infiltrer le système informatique de leur établissement pour voler des datas. En matière de prévention et d’information, on joue donc sur deux tableaux : protection et mise en garde. 

À quels types d’escroqueries ces jeunes peuvent-ils être confrontés ?

D.R : faux placements financiers, usurpations d’identité et opérations de sextorsion : un cybercriminel gagne la confiance de l’adolescent pour que ce dernier lui envoie des photos de nus… S’installe ensuite un chantage financier pour que les photos ne soient pas publiées. 

Quels types d’actions de prévention menez-vous envers les jeunes ? Qu’est ce qui fonctionne ?

A.B : nous travaillons main dans la main avec le ministère de l’Éducation nationale pour faire évoluer les programmes. Le programme Pix, qui permet d’évaluer et de certifier les compétences en informatique, est obligatoire en classe de 3ème ainsi qu’en terminale. Ce cours est l’occasion de partager des règles d’hygiène numérique. Nous collaborons également avec l’association CyberEdu dont les kits pédagogiques de sensibilisation sont destinés aux enseignants. L’objectif est qu’un maximum de professeurs puisse se former et transmettre les bonnes pratiques.

D.R : avec ISSA France, nous organisons des ateliers de prévention à la demande des établissements scolaires, des communes, etc. Pour l’instant, nous intervenons plutôt en Ile de France, mais nous réfléchissons à nous développer sur tout le territoire. Nous éditons également des ouvrages comme « Les As du Web », un cahier de vacances pour 7-12 ans qui a déjà été distribué à plus de 400.000 exemplaires, et fait l’objet de contrats de licence avec la SNCF et Aéroports de Paris. Le livre « Envie de Cyber », publié chez Studyrama, cible davantage les étudiants. Le choix du format « livre » pour parler de cybersécurité peut surprendre, mais le papier permet de se détacher des écrans, de prendre du recul. On peut le feuilleter, le laisser traîner, y revenir, etc. Notre conseil ? Le laisser traîner dans les toilettes.

Comment les professionnels de la cybersécurité peuvent-ils contribuer à cette sensibilisation ?

D.R : en informant leurs salariés parmi lesquels figurent de nombreux parents et en faisant connaître le Mois européen de la Cybersécurité, qui se déroule chaque année en octobre. Contrairement à d’autres opérations comme « Octobre Rose », cet évènement n’est malheureusement toujours pas référencé dans les calendriers marketing ! De notre côté, nous organisons une grande journée de sensibilisation le 18 octobre via le site jesensibilise.com

Le « sharenting » désormais encadré par la loi

En moyenne, un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans (Children’s Commissioner for England, “Who knows what about me?”, 2018). Or, publier des photos ou des vidéos de son enfant mineur sur les réseaux sociaux peut être lourd de conséquences. Face à ce risque pointé par la CNIL (), une nouvelle loi datée du 19 février 2024 (loi n° 2024-120 🙂 vise à mieux garantir le respect du droit à l’image des enfants en encadrant le « sharenting » (de l’anglais « share », partager, et « parenting », parentalité). Cette loi introduit la notion de co-responsabilité des parents en matière de droit à l’image et une délégation du droit à l’image de l’enfant à un juge en cas de dérives. L’avis de l’enfant – selon son âge et son degré de maturité – devra également être pris en compte.

Interview menée par Christina Gierse

Pour aller plus loin :

La Vallée InCyber : acculturer et sensibiliser les 13-19 ans !

En parallèle du Forum InCyber 2025 (du 1 au 3 avril 2025) aura lieu la 1ère édition de La Vallée InCyber, exposition de sensibilisation à la sécurité numérique et d’acculturation à ses métiers, destinée au 13-19 ans. Ce projet, mené par les équipes du Forum InCyber en partenariat avec Crossing Skills, s’inscrit dans la dynamique initiée par la campagne Demain Spécialiste Cyber lancée par l’ANSSI, le Ministère de l’Education nationale et le campus cyber. Le monde numérique y sera présenté sous la forme d’une vallée fantastique protégée par 12 gardiens qui incarnent les principaux métiers de la sécurité. Au centre : un sanctuaire abritant un trésor représentant ce que nous avons de plus précieux : l’intimité, nos données personnelles, nos infrastructures vitales, la propriété intellectuelle, nos comptes bancaires etc. Autour de ce sanctuaire, le parcours muséal est composé de 4 espaces présentant les grandes postures de cybersécurité. Cette exposition accueillera sur 3 jours plusieurs centaines de jeunes des collèges et lycées de la région Hauts de France. D’autres éditions seront ensuite organisées sur le territoire national.

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