Ferruccio Lamborghini est un industriel italien ayant fait fortune après-guerre grâce à son entreprise de fabrication de tracteurs agricoles (on trouve des tracteurs Lamborghini dans certaines ventes aux enchères très « select »). Son épouse, à qui il a offert la voiture de sport par excellence (une Ferrari) se plaignait que le levier de vitesse était très difficile à manier : à l’époque, sur les véhicules de sport il fallait des bras de camionneurs pour passer la première. 

Au détour d’une conversation, Ferruccio évoque cela avec son illustre voisin Enzo Ferrari, qui lui lance alors : « Tu sais conduire un tracteur mais tu ne sais pas conduire une Ferrari ». Dit autrement, mêle-toi de ce qui te regarde. Piqué au vif, Ferruccio décide alors de construire des véhicules de sport sous son nom. La marque existe toujours, elle est aujourd’hui propriété d’Audi.

Plus près de nous, le numéro de mars 2024 de Courrier International relate un article mi-premier mi-second degré sur un phénomène que seul le Japon peut nous offrir : la féminisation des plats de ramens, ces nouilles en bol de soupe agrémentés d’accompagnements divers et dont on voit fleurir les restaurants dans la plupart des centres-villes. Pendant des années, au Japon, les ramens étaient un plat exclusivement réservé aux hommes : on venait en déguster après le bureau, voire seul (dans la plupart des restaurants de ramens, on peut s’asseoir face au comptoir seul avec soi-même et face aux cuistots). 

Pourquoi cette situation ? Essayez et vous verrez : sortir avec des baguettes des nouilles assez longues d’une soupe brûlante et les porter à sa bouche. Dans tous les cas vous allez faire un immonde bruit de succion pour avaler le tout, sans parler de l’état de votre chemise à la fin du repas (que celui qui sort d’un restaurant de ramens sans avoir explosé sa chemise blanche m’envoie un MP, je l’invite à aller se faire des spaghetti à la bolognaise sans serviette pour vérifier son habilité au test ultime). 

Bref la féminisation des ramens, qui a commencé en 2015 avec le Ramen Girls Festival de Yokohama (authentique) a forcé les restaurateurs à adapter l’offre : nouilles plus courtes (pourquoi n’y a-t-on pas pensé avant ?), sauces douces, accompagnements plus variés et musiques de jazz dans les restaurants. Merci mesdames.

Le point commun de ces deux anecdotes est évident : il faut qu’enfin les femmes fassent partie de la clientèle pour que l’on revoie, un tantinet, l’ergonomie du produit. Le même phénomène s’était d’ailleurs déjà produit il y a quelques décennies lorsque les femmes ont commencé à acheter elles-mêmes des voitures. Curieusement, l’ergonomie de la planche de bord, l’apparition de gadgets bien utiles tels que les porte-gobelets, les attaches faciles pour les sièges auto d’enfants et j’en passe. Merci mesdames, et je suis vraiment sincère.

Le rapport avec l’informatique en général et la cybersécurité en particulier ? C’est sûr, absolument certain qu’à quelques exceptions près (Apple ?), l’ergonomie des logiciels a été pondu par des mecs qui n’en avaient à peu près rien à cirer de l’ergonomie justement. Je passe sur le sombre idiot qui a eu l’idée de mettre la touche « Arrêter » accessible à partir du menu « Démarrer » de Windows, je passe sur le fait qu’au moins jusqu’à Windows 7 (je n’ai pas retenté depuis) pour connecter des enceintes Bluetooth à un PC portable il fallait au moins trois doctorats en physique quantique. 

Je passe sur le fait que ceux qui ont tenté de comprendre les menus de Lotus d’IBM ont à peu près tous entamé une psychanalyse lourde, et je ne parlerai pas non plus d’installer un logiciel sur feu Blackberry ou de tenter de comprendre les réglages et options de Microsoft 365 avant le prochain passage de la comète de Halley. Mais il y a pire : dans la cybersécurité, prenez n’importe quel logiciel supposé vous protéger contre le « biduleware », et regardez juste quelques minutes la somme des pages de réglages. Quand même les avant-ventes n’arrivent pas à répondre aux questions et quand même les intégrateurs sont secs, on a du mal à imaginer comment les équipes internes DSI – qui n’ont pas qu’un seul logiciel à gérer – vont s’en sortir et optimiser le bazar.

Alors il faudrait faire comme pour les voitures et les ramens : que les produits soient conçus exclusivement pour ou par des femmes, ce qui ne pourra qu’améliorer les choses, on a des antécédents indiscutables. Ce serait drôle de mettre en critère dans les appels d’offre une note sur la composition des équipes d’ergonomie du fournisseur. 

Déjà, on éliminerait ceux qui n’ont pas ce mot à leur vocabulaire et surtout on arrêtera de devoir se coltiner des produits dont l’ergonomie générale ressemble à la chambre d’un adolescent boutonneux : une porcherie sans nom. Et on aurait encore une fois fourni la preuve que la cybersécurité ne se gagnera pas sans combattant et encore moins sans combattante, sujet sur lequel je me suis déjà étendu par le passé dans ces mêmes colonnes

Mine de rien, un métier cyber – en plus de tous les autres – où les femmes ont des choses à nous apprendre. Bon, vous venez quand en nombre les filles ?

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