Le Forum InCyber Canada, s’est tenu les 29 et 30 octobre 2024 à Montréal. Il a ouvert ses portes avec une table ronde captivante consacrée à l’identité numérique.

Ce débat d’ouverture a réuni des experts de renom, notamment Shurouq Hijazi, directrice chez KeyData Associates, Alagan Mahalingam, fondateur et PDG de Rootcode, Candice Daisly, fondatrice et PDG de 3OC Three of Cups, Manuel Badel, PDG de Solidrights et Badel Media, ainsi que Claude Perreault, associé chez Levio. La discussion, animée par Mélanie Benard-Crozat, rédactrice en chef de S&D Magazine et Impact for the Future, a donné le ton à deux jours d’échanges intenses sur les enjeux de la cybersécurité. L’identité numérique apparaît comme une évolution importante et incontournable dans le domaine des technologies mais aussi des relations entre les individus et les institutions. Certains pays comme l’Estonie sont plus avancés que d’autres dans ce domaine. Toutefois, la vie privée et la sécurisation des données personnelles doivent être des priorités dans la mise en place de l’identité numérique. 

L’exemple de l’Estonie : pilier européen voire mondial de l’identité numérique

Pour comprendre le potentiel de  l’identité numérique, l’Estonie est le meilleur exemple.

Comme le fait remarquer Alagan Mahalingam, « l’Estonie est un pays ayant largement développé le numérique au sein de son administration ». Le gouvernement estonien a clairement une longueur d’avance. Dès le début des années 2000, ce dernier a mis en place un système d’identité numérique (E-Id). Comme le précise le site e-Estonia : « Les gens utilisent leur identité électronique pour payer leurs factures, voter en ligne, signer des contrats, faire des achats, accéder à leurs informations de santé, et bien plus encore. » Cette identité numérique peut être utilisée sur plusieurs supports comme la carte d’identité ou des applications sur les téléphones intelligents. Il est estimé qu’actuellement 99 % des services administratifs publics sont numériques et 99 % des Estoniens ont une carte d’identité numérique. Plus étonnant encore : on peut se marier en ligne en Estonie. Cela a considérablement simplifié les procédures. Tout comme le fait que la moitié de la population estonienne vote en ligne dans ce pays. De plus, depuis 2014, il est possible pour un citoyen d’un autre pays (y compris hors pays de l’Union européenne) d’obtenir une résidence numérique (E-residency) en Estonie et ce sans avoir besoin d’être présent physiquement dans le pays. Ce programme vise les entrepreneurs du monde entier et leur permet de s’établir économiquement et légalement en Estonie. Dans une époque où le télétravail et les entrepreneurs dits « digital nomad » se développent, cette résidence numérique donne un poids économique pour l’Estonie. 

Comme le souligne Alagan Mahalingam, la culture estonienne favorise le fait que les individus soient propriétaires de leurs données. Toutefois, cette large dépendance de l’Estonie envers le numérique présente des inconvénients. Le pays a subi des cyber-attaques d’envergure contre ses systèmes informatiques en 2007 mais aussi en 2020 et 2022. Un talon d’Achille qui pousse le pays à renforcer sa cybersécurité. 

D’autres pays, comme le Canada, souhaitent également adopter l’identité numérique. Comme le fait remarquer Shurouq Hijazi, les provinces de la Colombie britannique et de l’Alberta sont les plus avancées dans leur domaine. Une ambition que le Québec cherche à concrétiser d’ici 2028.

L’Union européenne, a quant à elle, adopté un règlement européen (règlement (UE) 2024/1183) sur l’identité numérique publié au Journal Officiel de l’Union européenne le 30 avril 2024. appliqué depuis le  20 mai 2024 : « il oblige les États membres à mettre au point au moins une application mobile permettant aux citoyens européens de stocker et utiliser les données liées à leur identité. » L’un des autres buts donné par la Commission européenne est d’assurer un accès transfrontalier sans discontinuité au sein de l’UE. L’idée serait d’assurer une uniformisation des accès au sein de l’UE. À l’instar du système estonien, l’UE souhaiterait que cette identité numérique puisse être utilisée pour simplifier les démarches administratives.

La blockchain : un outil pour créer et sécuriser l’identité numérique

Candice Daisly souligne que l’identité numérique pourrait s’appuyer sur la technologie de la blockchain. Cette dernière est un ensemble de bloc de données reposant sur un système de validation qui permet d’assurer la sécurité et la véracité des données. Pour IBM, le système de blockchain présente trois avantages pour l’identité numérique : c’est une technologie rapide qui promeut la confiance, elle est sécurisée, privée et flexible. 

De plus, cette technologie limite la fraude et le vol d’informations. Ces atouts sont non négligeables quand on sait que le but de la mise en place d’une identité numérique est de réduire les formalités, d’accélérer le traitement des demandes mais aussi de lutter contre la fraude. 

La réduction des erreurs qui pourraient avoir lieu « offline » est un point à prendre en compte. Le vol d’identité, en utilisant des pièces matérielles (comme un passeport physique ou une plaque d’immatriculation), s’avère plus difficile avec des pièces numériques utilisant la blockchain.

Une utilisation à développer dans le monde économique

Manuel Badel souligne que l’identité numérique pourrait jouer un rôle clé dans la gestion de la propriété intellectuelle, en particulier dans les secteurs des médias et des arts, où elle reste encore peu exploitée. Dans une industrie fondée sur des projets collaboratifs, l’identification des intervenants est essentielle. En associant le contenu multimédia à l’identité numérique de son créateur, il deviendrait possible de garantir l’attribution de ce contenu lors de sa diffusion en ligne, réduisant ainsi les risques de plagiat ou de vol.

Pour que cette technologie soit adoptée dans le monde économique, il faut que les utilisateurs aient confiance dans ce système. Claude Perreault fait finalement remarquer que les clients sont préoccupés vis-à -vis de la confidentialité des données. Il est essentiel d’adopter une approche centrée sur les besoins des utilisateurs plutôt que sur la technologie elle-même pour encourager une adoption plus large par le grand public

En conclusion, l’identité numérique apparaît comme une évolution technologique prenant de l’ampleur dans nos sociétés. Si son intérêt en termes d’utilité est certain, les enjeux de vie privée et de sécurisation des données doivent être assurés. La numérisation de l’identité ne pourra avoir lieu que si les personnes sont propriétaires de leurs données. Cela nécessite une confiance envers les institutions qui s’occupent de la numérisation et du stockage de ces données. Dans un contexte de crise de confiance envers les institutions, il faut d’abord rétablir celle-ci avant que l’identité numérique soit vraiment opérationnelle à grande échelle. Enfin, il est également nécessaire d’ assurer la formation des individus à l’utilisation du numérique. Les populations qui ne sont pas à l’aise (comme les aînés) avec les outils numériques risquent d’être mises à l’écart en cas d’adoption massive de l’identité numérique. 

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