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Respect Zone : association pionnière qui change la donne dans la lutte contre les cyberviolences
Dans notre échange, Philippe Coen, président de Respect Zone, souligne le rôle essentiel des RSSI dans la transformation des pratiques numériques, en collaboration avec l’association, pour impulser une véritable révolution éthique.
Le rôle du RSSI dans la prévention des cyberviolences est de plus en plus discuté. Quel est, selon vous, son rôle spécifique dans ce domaine ?
Philippe Coen : Le RSSI détient un rôle essentiel qui dépasse la simple protection technique. Aujourd’hui, il est érigé au statut de figure éthique au sein de l’entreprise. Son rôle ne se limite pas à contrer les cyber fraudes ; il doit garantir que les systèmes qu’il implémente servent à créer un environnement numérique respectueux. Il doit également s’assurer que les messageries, les outils de communication entre salariés et avec les clients, soient des espaces sécurisés, mais aussi exempts de micro-violences. Cela inclut la prévention des abus, tant internes qu’externes. Par exemple, au sein des banques, les interfaces client comme les messageries sécurisées peuvent devenir des lieux de violence, car elles sont en « face-à-face » avec les consommateurs. Le RSSI doit être en mesure d’anticiper et de réguler ces situations pour éviter que ces espaces numériques ne deviennent des « punching-balls » de la frustration des clients.
Comment le RSSI peut-il concrètement promouvoir une approche plus éthique au sein des entreprises ?
PC : Le RSSI doit collaborer étroitement avec des services comme les ressources humaines, le juridique, la responsabilité sociétale des entreprises, voire les comités sociaux et économiques (CSE). Ces départements apportent une vision complémentaire pour s’assurer que les systèmes numériques ne deviennent des outils de violence, mais bien des espaces où règnent respect et éthique. Prenons l’exemple d’une grande entreprise dans le secteur de la finance : un des défis pour le RSSI est de s’assurer que les plateformes de messagerie interne et externe soient des lieux sûrs, non seulement sur le plan de la sécurité technique, mais aussi pour prévenir les comportements inappropriés, tels que le cyberharcèlement entre employés ou avec les clients. Ce qui est fascinant, c’est que sans le savoir, les RSSI, tel Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme de Molière, deviennent en quelque sorte des éthiciens des systèmes. En plus de la cybersécurité, ils se retrouvent à assumer la protection éthique des utilisateurs.
Quelles compétences et formations sont aujourd’hui indispensables pour les professionnels de la cybersécurité dans la lutte contre les cyberviolences ?
PC : Il est essentiel que les professionnels de la cybersécurité, et en particulier les RSSI, ne se limitent pas aux compétences techniques traditionnelles. Ils doivent s’ouvrir à des notions plus larges comme l’éthique numérique, la responsabilité sociétale et la gestion des cyberviolences. Il existe plusieurs certifications spécifiques en éthique numérique qui peuvent aider les RSSI à mieux comprendre les dynamiques de violence en ligne. Une formation sur la gestion des micro-violences au sein des systèmes d’information est primordiale, surtout lorsque ces systèmes impliquent des interactions entre employés, prestataires et clients. Ce type de formation les outille pour anticiper et gérer les tensions pouvant émerger au sein d’espaces numériques comme les messageries d’entreprise.
Respect Zone propose des outils et chartes pour promouvoir le respect en ligne. Comment ces initiatives sont-elles mises en œuvre ?
PC : Chez Respect Zone, nous avons développé plusieurs chartes (disponibles en 8 langues) qui permettent aux entreprises de s’engager activement dans la lutte contre les cyberviolences. Par exemple, une entreprise peut adopter notre Charte Respect Zone, qui encourage le respect dans tous les espaces numériques, qu’il s’agisse de forums, de messageries internes ou d’interactions avec les clients. Un bon exemple est la Paris Games Week, qui a signé cette charte en 2016, sensibilisant des milliers de participants à l’importance d’un comportement respectueux en ligne, même dans des environnements aussi compétitifs que les jeux vidéo. Nous avons aussi collaboré avec le Barreau de Paris, et de nombreuses professions, comme les juristes en propriété intellectuelle ou l’Union des Fabricants, qui ont signé la charte Respect Zone pour favoriser des pratiques éthiques. Ces outils sont non seulement un gage de bonne réputation pour les entreprises en matière de responsabilité sociétale, mais aussi un véritable levier de prévention contre les cyberviolences. Le détail de nos chartes et différents outils sont disponibles sur notre site internet.
Le concept de « dépollution numérique » devient de plus en plus central. Comment l’appliquer concrètement dans la lutte contre les cyberviolences ?
PC : La dépollution numérique est un concept clé pour nous. Il ne s’agit pas seulement de sécuriser les espaces numériques en termes de technologie, mais aussi d’assainir les interactions qui s’y déroulent. Cela implique de lutter contre le harcèlement, la haine en ligne et les abus en tout genre. Concrètement, cela peut se traduire par des systèmes de modération renforcés, mais aussi par des initiatives comme la médiation numérique. Chez Respect Zone, nous avons mis en place un bouton de médiation que des utilisateurs peuvent activer lorsqu’ils se sentent offensés par un contenu, mais sans que cela constitue une infraction pénale. Cela permet de proposer des solutions rapides, comme l’atténuation ou la suppression du message, tout en évitant une escalade de conflits qui pourraient mener à des cyberviolences plus graves. Nous travaillons actuellement sur un projet d’expérimentation et de préfiguration de ce type d’action avec Meta.
Quelles actions concrètes recommanderiez-vous aux entreprises et aux institutions pour prévenir efficacement le cyberharcèlement ?
PC : La première étape pour les entreprises est d’adopter des chartes d’engagement comme celles de Respect Zone. Cela crée un cadre clair et visible pour les employés, les clients et les partenaires. Ensuite, il est indispensable de former les équipes, et notamment les RSSI, à reconnaître les signes de cyberviolence et à savoir comment intervenir. Nous avons récemment commencé à former des CSE pour les aider à gérer la charge mentale liée aux violences numériques dans l’entreprise. Il est également essentiel de mettre en place des espaces de médiation, où les conflits peuvent être résolus de manière constructive. Enfin, l’adoption de technologies de modération proactive, combinée à des formations régulières en éthique et en communication respectueuse, est un excellent moyen d’assainir les espaces numériques de l’entreprise. Ce qui est intéressant, c’est que certaines entreprises vont même plus loin en impliquant les écoles des enfants de leurs salariés, organisant des séances de sensibilisation qui permettent de créer un véritable pont entre le milieu professionnel et familial pour la prévention des cyberviolences. Un exemple marquant : nous avons vu des entreprises qui, après avoir installé nos chartes et mis en place des formations, ont constaté une baisse significative des tensions internes, et une amélioration du dialogue social.
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