Les neufs paquets de sanctions européennes contre la Russie ont affecté le développement du secteur du numérique russe. Quels en sont les réels impacts ? Ces sanctions peuvent-elles jouer un rôle déterminant pour la fin de la guerre ?

Pendant que l’UE discute d’un dixième paquet de sanctions contre la Russie, des débats sur leur efficacité et leur impact continuent. En effet, différentes dimensions s’entrechoquent telles que l’impact immédiat versus long terme ou encore la pression économique versus les conséquences géopolitiques.

L’invasion de l’Ukraine a-t-elle donc changé quelque chose à cet état de fait ? L’objectif des sanctions est de réduire la capacité de la Russie à continuer à mener la guerre. Ces mesures remplissent-elles leur objectif premier et, plus largement, quels effets produisent-elles sur le développement technologique et industriel russe ?

L’efficacité des sanctions existantes

Les sanctions contre la Russie ne sont pas une nouveauté. Leur efficacité n’a, toutefois, jamais surpris par son impact significatif. Rappel des épisodes précédents.

Après l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, et le déclenchement d’un conflit militaire dans l’est de l’Ukraine, plusieurs États et l’UE ont imposé des sanctions économiques unilatérales. Ces sanctions comprenaient des restrictions sur l’exportation et la réexportation de technologies destinées aux secteurs russes de l’énergie et de la défense. Concernant le secteur du numérique, l’exportation de technologies à double usage vers la Russie est soumise à une interdiction générale depuis 2014.

Formulées de manière vague, l’efficacité de ces sanctions était partielle et mitigée. Par exemple, les sanctions européennes visaient à interdire la fourniture de certains équipements, technologies et services au secteur énergétique russe mais ont protégé les entreprises gazières russes (Gazprom et Novatek).

Un contrôle insuffisant des exportations, une volonté politique tiède pour suspendre les contrats rentables avec l’armée russe se sont ajoutés aux formulations ambiguës et aux réseaux d’approvisionnement peu transparents de la Russie. Ces facteurs expliquent pourquoi des technologies occidentales ont pu continuer à être exportées.

Celles-là ont directement soutenu le secteur de la défense russe. Une situation qui a été mise en lumière lors de l’invasion de l’Ukraine, en février 2022. Les travaux détaillés de RUSI et Reuters, révélant l’utilisation généralisée de composants étrangers dans l’équipement militaire russe, ont permis d’identifier « 450 composants uniques provenant principalement de fabricants occidentaux, dont au moins 317 provenaient de sociétés basées aux États-Unis ».

Après l’invasion russe débutée le 24 février 2022, des sanctions strictes ont été rapidement mises en œuvre contre la Russie portant, entre autres, sur le volet technologique. Ainsi, les neufs paquets de sanctions européennes portent sur les technologies à double usage, qui peuvent être utilisées à des fins civiles et militaires. Des contrôles à l’exportation ont été imposés sur les semi-conducteurs, les composants d’avions et les équipements militaires. Le huitième paquet a également imposé une interdiction totale des portefeuilles de cryptoactifs et des sanctions sur la fourniture de technologies de l’information et de conseil y affèrent. Depuis décembre 2022, il est interdit d’exporter des drones, des moteurs de drones, des ordinateurs portables et des générateurs afin d’empêcher leur utilisation par l’armée russe.

Les sanctions pèsent sur le secteur tech russe

Selon un article de recherche consultable depuis juillet 2022, l’économie russe est un « mastodonte des ressources, corrompu de l’intérieur et dépendant de la technologie occidentale ». Cette dépendance technologique est exploitée par les sanctions imposées depuis l’invasion de l’Ukraine. Leur objectif est de réduire la capacité de la Russie à continuer à mener la guerre. L’application stricte des contrôles d’exportation depuis un an porte ses fruits, la mesure étant même pointée comme levier de neutralisation.

Les sanctions technologiques imposées devraient avoir des effets dévastateurs non seulement sur la capacité militaire de la Russie, mais aussi sur sa capacité à développer des solutions technologiques à usage non militaire, notamment en restreignant l’accès du pays aux semi-conducteurs.

Les semi-conducteurs sont essentiels pour de nombreuses industries. Par exemple, la production intérieure russe d’automobiles a chuté de 97%. Les voitures produites ressemblent aux modèles de l’époque soviétique (absence d’airbags et de systèmes de freins performants). La pénurie de semi-conducteurs est également à l’origine d’une baisse de 70% de la production locale d’armement et de l’arrêt total de production de missiles balistiques hypersoniques.

Parmi les autres effets observables : le dysfonctionnent de nombreux smartphones, la lenteur des réseaux cellulaires, la couverture et la qualité diminuées des communications. En août 2022, la plateforme d’information de Yandex, le « Google russe », a été vendue à l’État. « Signe évident que Poutine renforce son contrôle sur l’Internet », selon le service de recherche du Parlement européen.

Ce dernier s’est également intéressé au volet talents, notant que l’un des effets des sanctions a été la fuite des cerveaux : « Au cours des six premiers mois de la guerre, on estime que 250 000 à 500 000 travailleurs qualifiés ont quitté la Russie pour poursuivre leur carrière ailleurs. […] Selon le vice-ministre russe de l’Intérieur, le pays connaissait déjà une pénurie de 170 000 spécialistes en informatique en juin 2022. La mobilisation de guerre a encore réduit la main-d’œuvre technologique russe ».

De l’aveu même de la Gouverneure de la Banque nationale de Russie, « les restrictions imposées touchent une partie considérable des exportations et des importations. Outre les sanctions officielles, les décisions des entreprises étrangères de suspendre leurs activités sur le marché russe peuvent également avoir un impact négatif important sur la situation ».

Toutefois, le pays n’est pas exsangue au point de chercher une sortie rapide de la guerre. Même si l’économie numérique russe est bouleversée, les sanctions actuelles ne suffisent pas pour épuiser les réserves du pays et laisser penser à une fin prochaine du conflit.

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