Les enjeux autour de la digitalisation du secteur agricole sont doubles : protéger les données des attaques menées par les cybercriminels d’une part, instaurer un climat de confiance avec les entreprises qui collectent ces données d’autre part.

Agriculture de précision, tracteurs connectés, images satellites, drones… Comme tous les secteurs d’activité, l’agriculture n’échappe pas à la digitalisation de ses méthodes et processus, tirant profit des apports de l’intelligence artificielle, de l’Internet des objets et du Big Data. Les nouvelles technologies permettent aujourd’hui de surveiller les rendements et la santé des cultures, l’humidité des sols, la croissance du bétail, etc.

Selon le cabinet d’études Markets and Markets, le marché mondial de l’analyse agricole (« agriculture analytics » en anglais) devrait passer de 0,8 milliard de dollars en 2020 à 1,4 milliard de dollars en 2025, selon un taux de croissance annuel moyen de 12,2 %. Les principaux acteurs de ce marché sont les agriculteurs eux-mêmes, mais aussi les coopératives, les viticulteurs, les semenciers, les fabricants d’engrais, les entreprises agroalimentaires et les gouvernements.

Une grande quantité de données qui attise les convoitises des pirates

Bien entendu, les cybercriminels sont à l’affut. Plus la digitalisation du secteur progresse, plus les tentatives de fraude et d’extorsion de fonds se multiplient. Fin 2021, le rançongiciel BlackMatter a ainsi touché des entreprises et organisations agroalimentaires américaines. C’est le cas de la coopérative céréalière New Cooperative située dans l’Iowa qui s’est vue réclamer une rançon de 5,9 millions de dollars pour obtenir la clé de déchiffrement permettant de reprendre la main sur son système d’information.

Quelques mois plus tôt, en février 2021, le géant de l’agroalimentaire Lactalis a été victime d’une attaque. « Le Groupe Lactalis a détecté une intrusion sur une partie de son réseau informatique. Nous avons immédiatement pris des mesures pour circonscrire cette attaque et avons notifié les autorités compétentes. Les résultats de nos investigations établissent qu’un tiers malveillant cherche à s’introduire sur nos serveurs. Nos équipes informatiques sont pleinement mobilisées et accompagnées d’experts reconnus en cybersécurité. L’enquête que nous avons menée avec eux n’a révélé aucune violation de données à ce stade », peut-on lire dans un communiqué publié par l’entreprise.

Toujours en 2021, les entreprises Jean Floc’h (production et conditionnement de viande de porc et de charcuterie) et Dalloyau (traiteur) ont été victimes du ransomware Conti, suivies du groupe agroalimentaire français Avril, objet d’une attaque par phishing. Entre 2020 et 2021, ce ne sont pas moins de 1 700 clients du Crédit Agricole qui ont été victimes d’un rançongiciel particulièrement bien conçu. Selon le Parisien, les clients de la banque ont été invités à saisir des informations confidentielles sous peine de voir leurs opérations bancaires suspendues.

Données agricoles : l’indépendance des agriculteurs en jeu

Mais la question des données issues du secteur agricole n’est pas que du ressort de la cybersécurité. Les dispositifs intelligents tels que les capteurs et les GPS produisent une grande quantité de données, avec des capacités de prise de décision sans précédent. Ces volumes de données agricoles intéressent les géants de l’agrofourniture, qui cherchent à intégrer l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la collecte de données à la vente de produits accompagnés de services, mais aussi les GAFAM, pour qui l’agriculture constitue un nouveau domaine d’opportunités.

Une situation qui inquiète les pouvoirs publics français et européens depuis de nombreuses années. Déjà, en 2016, dans un rapport de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea), le ton était donné : « La concentration de telles ressources dans les mains de quelques acteurs génère des inquiétudes quant à l’indépendance des agriculteurs, voire la souveraineté alimentaire. C’est pourquoi, il est urgent de proposer une alternative, dans laquelle la profession agricole reste maître des données qu’elle produit, et qui facilite leur valorisation ».

La charte Data-agri pose la question de la propriété, de l’usage et du partage des données

Afin de sécuriser les données au sein des contrats que les exploitations agricoles signent avec des prestataires « collecteurs de données », la FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont lancé en 2018 la charte Data-agri.

« La quantité de données produites sur les exploitations agricoles évolue de façon exponentielle. La numérisation d’un nombre croissant d’informations, la production toujours plus importante de données générées par les machines, ou la multiplication des objets connectés présents dans les exploitations agricoles poussent à s’interroger sur la propriété, l’usage et le partage des données ainsi que sur la création de valeur qui émerge de cette nouvelle économie », avance cette charte.

Cette dernière défend 13 principes pour la valorisation et la sécurisation des données issues des exploitations agricoles, autour de quatre axes : la lisibilité sur les clauses contractuelles, la transparence de l’usage des données, la maîtrise de leur usage et la sécurité des processus des données.

Avec comme objectif d’aider les agriculteurs à s’emparer des technologies issues du numérique, la démarche Data-agri met également en avant un label dont l’objectif est de distinguer les entreprises qui collectent des données agricoles et qui respectent l’ensemble des principes définis au sein de la charte Data-agri. Cette démarche instaure une éthique dans l’univers du numérique et promeut les pratiques contractuelles loyales dans les relations entre les collecteurs de données et les agriculteurs.

Les données agricoles sont donc précieuses à double titre : elles ne doivent pas tomber entre les mains de cybercriminels prêts à tout pour en tirer le maximum de profit, ni être exploitées par des entreprises de façon opaque. Un double défi alors que les entreprises du secteur agricole et agroalimentaire sont de plus en plus considérées comme des organisations d’importance vitale par de très nombreux pays.

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