Les forces armées ukrainiennes ont réussi à arrêter l’avancée de l’armée russe et à la faire reculer grâce au soutien occidental. Les Ukrainiens se sont aussi montrés ingénieux dans plusieurs domaines, notamment dans la militarisation des applications mobiles.

Pour communiquer, les forces armées ukrainiennes utilisent à la fois des moyens traditionnels, comme la radio, mais aussi des moyens novateurs comme les applications téléphoniques. Parmi les plus fréquemment utilisées, on retrouve surtout Telegram, WhatsApp, Discord ou Signal. Avec ces nouveaux moyens de communication, les combattants au sol peuvent communiquer entre eux ainsi qu’avec leur base arrière, en temps réel, et de manière relativement sécurisée.

Cependant, les Ukrainiens n’utilisent pas leurs applications seulement pour communiquer. Par exemple, les belligérants utilisent tous l’application Telegram. Des groupes partisans l’emploient d’une part pour diffuser leur propagande, d’autre part pour lutter contre celle de l’adversaire. Depuis février 2022, le nombre d’utilisateurs a fortement augmenté en Russie et en Ukraine. Aujourd’hui il y a environ 25 millions d’Ukrainiens (plus de la moitié de la population) abonnés à Telegram et quelque 70 millions de Russes.

Les Ukrainiens ont saisi l’importance du téléphone portable et des applications dans la guerre. Ils ont donc innové et diversifié leur utilisation. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs devenues incontournables, comme « Air Alert ». Créée par Stepan Tanasiychuk, un développeur ukrainien fondateur et directeur de Stfalcon, une entreprise qui développe des applications mobiles. Ce dernier s’est inspiré du travail d’Ajax Systems. Cette dernière a créé pendant des années des applications capables d’alerter le smartphone d’une personne même quand l’appareil est en mode veille ou silencieux.

À présent, des millions d’Ukrainiens utilisent « Air Alert », combattants comme civils. Cela leur permet d’être alertés et de se mettre à l’abri des bombardements. « Des soldats nous ont dit que cette application leur avait sauvé la vie. Nous sommes très fiers d’aider le pays à se battre », a déclaré Valentine Hrytsenko, responsable marketing D’Ajax Systems, société ukrainienne de systèmes de sécurité.

Des applications multifonctions

Début 2020, le gouvernement ukrainien a lancé l’application « Diia ». Celle-ci fonctionne comme un permis de conduire numérique. Elle permet aussi d’accéder à des services publics, allant du certificat vaccinal au permis de construire. Avec la guerre, « Diia » a évolué. Elle comprend désormais des offres d’emplois à distance pour les Ukrainiens sans travail, un portail de paiements en espèces pour les citoyens fuyant les combats, et même un ensemble de leçons d’apprentissage vidéo pour se former à de nouveaux métiers et même des cours de mathématiques.

Les développeurs de l’application ont d’ailleurs décidé d’aller plus loin en la militarisant. Les Ukrainiens peuvent désormais soumettre des photos et des vidéos géolocalisées d’observations militaires russes, ainsi que des conseils sur des personnes « suspectes » qui pourraient être des envahisseurs ou des saboteurs. « Les données sont regroupées sur une carte visible par les responsables des services de renseignement ukrainiens qui travaillent sur la défense et les contre-attaques », a souligné Mykhailo Fedorov, ministre ukrainien de la Transformation numérique.

Ces nouvelles applications sont parfois utilisées dans des domaines qui font polémique, comme celui de la reconnaissance faciale. L’Ukraine utilise en effet un logiciel pour aider à identifier les corps des soldats russes tués au combat et retrouver leurs familles pour les informer de leur décès a annoncé Mykhailo Fedorov, le vice-premier ministre ukrainien ministre de la Transformation numérique, à l’agence de presse Reuters.

Il a également déclaré que son pays avait utilisé le fournisseur de logiciels de reconnaissance faciale Clearview AI pour trouver les comptes de réseaux sociaux des soldats russes morts. « Par courtoisie envers les mères de ces soldats, nous diffusons ces informations sur les médias sociaux pour au moins faire savoir aux familles qu’elles ont perdu leurs fils et leur permettre ensuite de venir récupérer leurs corps », a-t-il déclaré.

« Quand un Russe entend un drone, il sait que la mort vient à lui »

Les forces ukrainiennes ont combiné l’utilisation de leurs armes conventionnelles avec leur téléphone mobile et les applications. Alors que l’artillerie prend un rôle de plus en plus important sur le champ de bataille, il est crucial pour les belligérants d’avoir des coordonnées précises pour ajuster leur tir. Ainsi, l’utilisation d’un drone (piloté par téléphone) permet de repérer les cibles ennemies à distance. Des points de reliefs comme une route, une rivière ou encore des lignes électriques sont identifiés sur les images captées par le drone (et parfois retransmise en direct aux états-majors ukrainiens via des applications comme Discord).

« Après chaque vol, nous visionnons les images sur une grande télévision pour voir plus de détails ou simplement voir une meilleure image. Ce qui nous aide à situer l’endroit que nous visons. Il nous faut juste une carte avec les coordonnées. Cela apparaîtra sur Google Maps ou équivalent. L’essentiel est juste de reconnaître un objet et repérer sa position exacte. Et c’est tout », précise « Phantom », un pilote de drone de l’armée ukrainienne.

Une fois que ces référents géographiques sont repérés et rapportés sur une application de cartographie, ceux-ci se transforment en coordonnées GPS. L’artillerie peut donc faire faire feu avec une précision redoutable ou les forces de Kiev peuvent envoyer un drone pour bombarder la cible. Pour tenter de se protéger de ce genre d’attaques, l’armée russe a installé un nombre important de stations sur toute la ligne de front qui brouille les signaux des drones.

« Si j’avais un appareil plus puissant, je pourrais rester à plus grande distance. En général, le travail dure 30 à 35 minutes. Nous avons un problème avec le blocage des signaux. Beaucoup de stations russes bloquent nos signaux, nous pouvons perdre l’enregistrement et même notre drone, alors nous essayons de retrouver le signal, mais c’est un problème. Et je pense que c’est parce que c’est un drone civil, si c’était un drone militaire, alors ces blocages pourraient être évités », explique « Phantom ».

Le pilote ukrainien explique employer essentiellement des drones civils comme ceux de la marque DJI. Il précise que les drones, civils et militaires, ont des effets dévastateurs sur l’ennemi : « Nous préférons bombarder de nuit parce que le jour s’ils tirent sur la bombe, le drone explose. Les soldats de [Vladimir] Poutine haïssent nos drones. Ils utilisent tout pour détruire nos drones car ces appareils fournissent beaucoup d’informations. Nous pouvons aussi les bombarder. Après chaque largage, ils se mettent en colère et commencent à tirer sur nos positions ou sur toute la ligne. À cause du bruit les Russes peuvent savoir d’où vient le drone. Mais ce n’est pas grave, cela reste une arme psychologique très puissante. Quand un Russe entend un drone, il sait que la mort vient à lui. »

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