Leader mondial de l’innovation technologique, le Japon fait aujourd’hui face à une crise de cybersécurité qui menace ses infrastructures critiques et son rôle sur la scène internationale. Alors que les tensions géopolitiques en Asie s’intensifient, Tokyo se retrouve dans une situation délicate : protéger ses réseaux numériques, de plus en plus ciblés par des cyberattaques, tout en rattrapant un retard préoccupant en matière de cyber-résilience.

En octobre 2022, une attaque informatique d’ampleur, menée par des pirates informatiques soutenus par l’État chinois, a mis en lumière les failles du système de cybersécurité japonais. Pendant près de huit mois, les pirates ont en effet infiltré le Centre national de préparation aux incidents et de stratégie pour la cybersécurité (NISC), l’un des principaux bastions de défense numérique du pays. Cette brèche est révélée en juin 2023 seulement. Le 7 août dernier, la cybersécurité japonaise est de nouveau sous le feu des projecteurs quand le Washington Post relève que des pirates informatiques militaires chinois avaient pénétré les systèmes contenant les secrets de défense du Japon, et que le gouvernement américain avait averti le Japon à l’automne 2020. Ces incidents interviennent à un moment critique pour le Japon, alors que le pays s’efforce de renforcer ses alliances militaires avec les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres partenaires régionaux.

Un retard qui inquiète face à une menace cyber grandissante

Au début de l’été 2024, c’est l’Agence Spatiale japonaise qui annonce être la cible de cyberattaques depuis plusieurs mois. Les cyberattaques ne sont plus des incidents isolés. Elles sont désormais perçues comme des armes stratégiques capables de paralyser des secteurs entiers de l’économie. Les infrastructures critiques, notamment celles de la finance, de l’énergie et des transports, sont en première ligne.

En matière de cybersécurité, le Japon est loin de rivaliser avec ses partenaires occidentaux. Alors que les États-Unis et l’Europe investissent massivement dans la cryptographie post-quantique (PQC), le Japon reste en retrait. La PQC est pourtant cruciale pour se prémunir contre les attaques informatiques de la prochaine génération, rendues possibles par les avancées en informatique quantique. Aux États-Unis, l’adoption du Quantum Computing Cybersecurity Preparedness Act en 2022 a marqué le début d’un mouvement global vers la protection des réseaux face à ces menaces.

En comparaison, le Japon n’a pas encore déployé de stratégie claire pour intégrer la PQC à ses systèmes de sécurité. Cette lacune met en péril non seulement la sécurité nationale mais aussi la confiance de ses alliés, notamment les États-Unis, avec qui les échanges de données sensibles sont cruciaux. L’absence de mesures robustes pour sécuriser les communications bilatérales constitue une faiblesse pour Tokyo et un frein aux partenariats.

Multiplication des partenariats internationaux

Conscient de ses faiblesses, le Japon a récemment intensifié ses efforts pour renforcer sa cyber-résilience en s’appuyant sur des partenariats internationaux. L’un des projets les plus ambitieux est la création d’une grille de contre-attaque cybernétique dans la région indo-pacifique. Ce réseau collaboratif, destiné à protéger les îles du Pacifique et les pays voisins contre les cybermenaces, s’inscrit dans la vision japonaise d’un Indo-Pacifique libre et ouvert, un concept qui vise à contrer l’influence croissante de la Chine, de la Russie et de la Corée du Nord.

Pour soutenir ce projet, Tokyo a proposé un investissement massif de 75 milliards de dollars dans son budget 2024. L’objectif est clair : renforcer les capacités cybernétiques en Asie du Sud-Est et promouvoir la paix, la connectivité et la sécurité dans la région. Le Japon a également renforcé sa coopération au sein du Quad et de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). Le partenariat avec l’OTAN s’est également intensifié, avec des initiatives conjointes et des exercices de cybersécurité qui sont devenus plus fréquents. La signature du Programme de partenariat individuel et de coopération en 2020 a marqué un tournant dans cette coopération, soulignant l’engagement du Japon à sécuriser le cyberespace à travers des alliances stratégiques.

Vers une refonte de la stratégie de défense

Pour répondre aux défis actuels, le Japon a adopté plusieurs documents stratégiques majeurs, notamment la Stratégie de sécurité nationale (NSS) et le Programme de renforcement de la défense (DBP) en décembre 2022. Ces textes prévoient une augmentation substantielle du budget de la défense et un renforcement des capacités de guerre de l’information. L’accent est mis sur le développement de la cyberdéfense active, une nécessité face aux menaces croissantes dans la région.

L’un des projets phares consiste à créer, d’ici 2025, une unité dédiée à la protection des infrastructures critiques, telles que les ports, les chemins de fer et les aéroports, contre les cyberattaques. Ce projet, soutenu par des investissements dans l’intelligence artificielle pour améliorer la surveillance et l’analyse des menaces, s’inscrit dans une stratégie plus large visant à moderniser les défenses du pays.

Malgré ces avancées, le Japon a encore un long chemin à parcourir pour devenir une véritable cyberpuissance. Les investissements sont là, les partenariats se multiplient, mais les défis restent immenses. Le pays doit non seulement moderniser ses infrastructures de sécurité, mais aussi adopter des technologies de pointe comme la PQC pour garantir la protection de ses réseaux contre les menaces futures.

Sa capacité à surmonter ces défis déterminera non seulement sa sécurité nationale, mais aussi son rôle dans l’équilibre des puissances en Asie et au-delà. Avec une stratégie claire et des alliances solides, Tokyo peut espérer transformer cette vulnérabilité en force.

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