Bien que les différentes crises mondiales aient mis en exergue les faiblesses structurelles et institutionnelles de l’état égyptien (covid-19, guerre en Ukraine), le gouvernement fait preuve de volontarisme politique dans le secteur des TIC, en mettant en œuvre des politiques massives de numérisation.

Avec une économie reposant sur des secteurs vulnérables (Canal de Suez, tourisme, textile, hydrocarbures, et agriculture) une main d’œuvre peu qualifiée et une bureaucratie peu efficace, l’Égypte est aujourd’hui l’un des pays où l’inflation est la plus élevée au monde.

Avec un taux de pénétration de la téléphonie mobile d’environ 95% (plus de 100 millions d’abonnements) et de 49% pour l’Internet, l’Égypte est le géant africain des TIC (Technologies de l’information et de la communication). Il s’est voulu proactif en mettant en place, dans le cadre de sa « vision 2030 », un nouveau volet intitulé « Digital Egypt ».

Lancée en 2020 sous la tutelle du ministre des TIC, Amr Talaat, cette nouvelle doctrine numérique repose sur trois piliers : amélioration des infrastructures numériques, de l’environnement règlementaire et du renforcement des capacités d’innovation. Le gouvernement et Telecom Egypt (propriété de l’État à 80%, exerce un quasi-monopole sur la distribution de la téléphonie fixe et de l’Internet haut débit) allouent près de 17 milliards de livres égyptiennes (environ 502 millions d’euros) au renforcement des capacités.

Résultats : le débit Internet a quadruplé en moins d’un an, le faisant grimper de 6,63 Mo/s en février 2019 à 27,09 Mo/s en février 2020. En parallèle, dès août 2020, le gouvernement égyptien lance un portail de services électroniques proposant près d’une centaine de prestations différentes allant de la prise de rendez-vous en ligne (dans différentes administrations), au paiement en ligne, en passant par le renouvellement ou la demande de documents officiels.

Un certain nombre de défis entravent la mise en œuvre de « Digital Egypt ». Il est difficile d’effectuer une transition numérique radicale dans une société où le taux d’analphabétisme dépasse les 25% ; où le secteur informel représente près de 60% de l’emploi ; où les infrastructures à l’échelle nationale ne sont pas adaptées et où le climat n’est pas favorable à l’investissement.

Une « fausse » transition numérique ?

Cette numérisation soudaine des différents services administratifs et ministériaux égyptiens relève davantage, en réalité, d’une automatisation des services et des démarches administratives déjà existantes que d’une réelle transition numérique. Bien que des efforts aient été fournis pour moderniser et adopter les avancées technologiques, la structure bureaucratique a posé des défis à la mise en œuvre efficace des initiatives numériques.

Avec à son compte 33 ministères (le plus grand nombre de ministères au monde) et une masse salariale publique colossale peu ou pas formée à l’utilisation de ces nouvelles interfaces numériques, la mise en place des réformes est longue, incomplète et peut s’avérer contre-productive dans certains cas.

La plupart des processus préexistants ont en effet été numérisés tels quels sans penser à les interconnecter ou les alléger au préalable. Le manque de normalisation et d’interopérabilité entre les différents systèmes et plateformes empêche l’intégration transparente et l’échange des données en général mais aussi au sein des différentes entités administratives. Bien qu’il n’y ait qu’une seule entité responsable de la diffusion des données, le CAPMAS (Central Agency for Public Mobilisation and Statistics), les données utilisées par les différents ministères sur un sujet commun peuvent varier et même se contredire.

La majorité des données ne sont, de surcroît, pas rendues publiques pour des raisons de sécurité nationale. Des procédures administratives complexes, de longs processus d’approbation, un système de prise de décision hiérarchique et le besoin de coordination entre les différents départements et agences du gouvernement entravent, voire paralysent l’intégration efficace de ces nouvelles technologies.

Contraintes persistantes

En dépit des progrès réalisés dans l’amélioration de la connectivité numérique, des contraintes subsistent en termes de disponibilité et de qualité des infrastructures essentielles. L’accès limité à l’Internet en haut débit sur l’ensemble du territoire, et principalement dans les zones rurales, gêne l’adoption généralisée des technologies et outils numériques.

Les infrastructures numériques dans leur ensemble, y compris les centres de récolte des données et les mesures de cybersécurité, nécessitent d’être développées pour soutenir le volume croissant de transactions numériques et le stockage d’informations sensibles. Aujourd’hui, les salariés, les fonctionnaires et entreprises égyptiennes, qu’elles soient publiques ou privées, sont souvent confrontées à une infrastructure inadéquate et peu fiable. Une mauvaise connectivité à Internet et une surcharge récurrente des réseaux dans les grandes villes affectent considérablement la qualité des services et restreint la capacité à en tirer profit de manière efficace.

Exemple : l’autorité douanière. Depuis sa numérisation totale, les démarches prennent souvent plus de temps en raison de perturbations récurrentes du système informatique. De plus, les dévaluations successives de 2022 et la guerre en Ukraine ont fondamentalement perturbé la chaîne d’approvisionnement dont l’Égypte dépend pour contenir la pénurie de devises et l’inflation.

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