Face à l’escalade des tensions en mer Rouge, les rebelles envisageraient de cibler des câbles de communications vitaux.

Les câbles de communications sous-marins, passant par le détroit de Bab al-Mandab et par lesquels transite près de 17% du trafic Internet mondial, bientôt ciblés par les Houthis ? C’est la mise en garde de Mouammar Al-Eryani ministre de l’Information du gouvernement d’Aden (reconnu par les Nations unies), envers la communauté internationale.

Les câbles sous-marins, passant par la mer Rouge, sont des artères vitales de communications. Ils jouent un rôle central dans la connectivité régionale et mondiale. Enfouis dans les fonds marins de cette voie navigable stratégique, ces câbles sont indispensables à la connectivité mondiale et servent de voie de transmission pour une multitude de services de communications allant de l’Internet aux appels téléphoniques ou bien à la transmission de données financières / bancaires entre différentes régions du monde.

Avec près de seize câbles, incluant le SEA-ME-WE 5 (qui relie l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et l’Europe), le EIG (Europe India Gate, qui relie l’Inde, l’Afrique de l’Est, le Moyen-Orient et l’Europe), le Falcon (reliant plusieurs pays du Golfe à l’Afrique de l’Est) ou bien le AAE-1 (Asia-Africa-Europe 1), leur altération aurait de terribles répercussions sur la connectivité et le commerce international.

Les Houthis, du nom du chef religieux Hussein Badreddine Al-Houthi, est une organisation yéménite soutenue par l’Iran, fondée en 2004. Cette organisation à conquis ces dernières années une grande partie du territoire yéménite dont la capitale Sanaa et le port stratégique d’Hodeïda. Longtemps considéré comme un groupe rebelle ayant une capacité de nuisance limitée au Yémen, les Houthis se sont avérés, depuis le 7 octobre 2023, des acteurs clés de la guerre entre Israël et le Hamas.

En menant notamment des attaques spectaculaires sur des navires marchands en mer Rouge, en solidarité avec les Palestiniens de Gaza, les Houthis ont considérablement freiné le commerce maritime mondial allant jusqu’à le dérouter. Le quasi-blocus de Bab al-Mandab par lequel transite habituellement 12% du commerce maritime mondial, les attaques de drones, les missiles, et les prises d’otages perpétués par les Houthis en mer Rouge ont changé la donne.

De fait, de nombreux navires font aujourd’hui le détour par le cap de Bonne-Espérance (Afrique du Sud) faisant ainsi doubler les délais de livraisons et les frais de transports. D’ailleurs, le port israélien d’Eilat ne reçoit aucun navire marchand depuis près de deux mois et demi. Selon Orient XXI, cette crise induit des coût supplémentaires pour l’État israélien de l’ordre de 3 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros).

Création d’une coalition

En réponse, les États-Unis et la Grande-Bretagne mettent en place, dès le 18 décembre 2023, une coalition appelée pour l’occasion : « Prosperity Guardian ». Objectif : assurer le trafic maritime et « neutraliser » la menace Houthis en mer Rouge. Sans réel succès, cette opération semble au contraire renforcer la détermination des combattants Houthis. Ils ont d’ailleurs déclaré, dans un clip vidéo, diffusé sur les réseaux sociaux à la suite de frappes américaines et britanniques, « qu’aucun navire ne circulera tant que les sionistes n’auront pas mis fin au siège de Gaza ». De plus, leur soutien effectif à la cause palestinienne et le quasi-blocus de la mer Rouge mettant en déroute les puissances occidentales, fait évoluer leur image au sein des partisans de la cause palestinienne. Mais aussi des groupes s’opposant à l’opération israélienne à Gaza dans la région et dans le monde.

Très présents sur les réseaux sociaux (X, Facebook et Telegram), ils utilisent ces plateformes pour diffuser leurs messages et partager des informations sur leurs activités militaires et politiques. C’est ainsi qu’une chaîne Telegram, affiliée au groupe rebelle, a récemment diffusée une carte montrant le réseau complexe de câbles sous-marins traversant les profondeurs de la mer Rouge, suivi d’un message pour le moins inquiétant : « Il semble que le Yémen se trouve dans une position stratégique car des lignes Internet qui relient des continents entiers, et pas seulement des pays, passent à proximité. »

Bien qu’une attaque de la sorte puisse entraîner d’importantes perturbations dans les transactions internationales et financières, et pourrait avoir de graves répercussions sur les marchés et les économies du monde entier ; certains experts estiment que les Houthis n’auraient ni les capacités techniques ni les ressources pour dégrader ces câbles sous-marins. Ces rebelles soutenus par l’Iran ne disposent pas des submersibles nécessaires capables d’atteindre ces câbles dans les fonds marins.

La singularité de la mer Rouge

Pour autant, la mer Rouge présente des caractéristiques géographiques distinctes en termes de profondeur et de largeur. Le détroit de Bab al-Mandab est relativement étroit et peu profond, avec une largeur d’environ vingt kilomètres à son point le plus étroit et une profondeur de cent mètres à certains points.

D’autres experts soulignent que ces câbles seraient en dehors des menaces géopolitiques relativement vulnérables à une combinaison de facteurs, comprenant principalement les caractéristiques géographiques, les activités humaines (dragage et ancrage de navires) et les catastrophes naturelles (tremblements de terre, tempêtes, glissement de terrains).

« Pas plus large qu’un tuyau d’arrosage » ces câbles de communication sous-marins constituent une infrastructure qui, sans avoir recours à des technologies avancées, pourraient être endommagée par le largage d’explosifs ou successifs d’ancres de navires marchands à des points stratégiques en profondeur ou par des plongeurs expérimentés. C’est le cas de l’Égypte, en 2013, où les autorités ont interpellé trois plongeurs ayant dégradé ces infrastructures de communication.

Si pour le moment, les Houthis n’ont pas formulé de déclaration qualifiée de menace directe et imminente, la dégradation de ces câbles sous-marins représenterait avant tout un acte symbolique. Il s’agirait d’une nouvelle forme d’atteinte à la souveraineté des États éventuellement touchés. Preuve de l’imbrication des champs de bataille numériques et des terrains de conflits physiques.

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