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Procès Google : peut-on encore réguler les géants du Web ?


Google a bâti un empire numérique en s’appuyant sur une domination quasi totale du marché de la recherche en ligne, une maîtrise stratégique des données comportementales et la publicité ciblée. Cette position hégémonique repose notamment sur des accords exclusifs avec des fabricants d’appareils et des éditeurs de navigateurs, renforçant ainsi son monopole et limitant l’accès des concurrents au marché. Au cœur de cette domination se trouvent des partenariats lucratifs, comme celui avec Apple, pour lequel Google a versé 20 milliards de dollars en 2022 afin de rester le moteur de recherche par défaut sur Safari. Des accords similaires ont été conclus avec Mozilla et Samsung, garantissant à Google une position privilégiée sur la majorité des appareils et navigateurs utilisés dans le monde. Ces pratiques ont été jugées anticoncurrentielles par la justice américaine, qui a statué en août 2024 que Google avait illégalement maintenu un monopole sur le marché de la recherche en ligne.
Cette position dominante permet à Google de collecter d’immenses volumes de données comportementales, alimentant ainsi son modèle économique basé sur la publicité ciblée. En 2023, les revenus publicitaires de Google s’élevaient à 237,86 milliards de dollars américains. Cette année-là, la publicité a compté pour la majorité du chiffre d’affaires total de l’entreprise en ligne. La combinaison de la collecte massive de données, de l’intégration verticale de ses services publicitaires et de partenariats exclusifs a permis à Google de créer un écosystème fermé, rendant l’entrée de nouveaux concurrents extrêmement difficile. Cependant la justice des Etats-Unis a décidé de mettre un terme à ce monopole en lançant des poursuites judiciaires
Un procès historique
Le procès antitrust intenté contre Google par le Département de la Justice des États-Unis (DOJ) en 2020 marque un tournant majeur dans la régulation des géants du numérique. En août 2024, le juge Amit Mehta a statué que Google avait illégalement maintenu un monopole sur les services de recherche générale et la publicité textuelle en ligne, notamment en concluant des accords d’exclusivité avec des fabricants de téléphones et des éditeurs de navigateurs pour imposer son moteur de recherche par défaut . Cette décision a été suivie en avril 2025 par une autre condamnation, cette fois pour monopole illégal dans le secteur de la publicité numérique, où la juge Leonie Brinkema a reproché à Google d’avoir causé un « préjudice substantiel » aux éditeurs et aux utilisateurs en contrôlant les marchés des serveurs d’annonces et des échanges publicitaires . « Les plaignants ont prouvé que Google s’est délibérément engagé dans une série d’actes anticoncurrentiels visant à acquérir et à maintenir un pouvoir monopolistique sur les marchés des serveurs d’annonces et des échanges d’annonces pour l’affichage publicitaire sur le web ouvert » a déclaré la juge le média américain The Verge.
Ces affaires illustrent un renouveau de l’activisme antitrust aux États-Unis, porté par des figures comme Lina Khan à la tête de la Federal Trade Commission (FTC), qui prônent une lecture plus stricte des lois antitrust face aux pratiques des “Big Tech” . Les sanctions envisagées pourraient aller jusqu’au démantèlement de certaines activités de Google, comme la vente de son navigateur Chrome ou la séparation de ses services publicitaires. Ces mesures visent à rétablir une concurrence équitable sur des marchés où Google détient une position dominante depuis des années. Comme l’explique un article du Figaro, le ministère américain de la Justice réclame des peines qui pourraient changer radicalement le paysage numérique : la cession du navigateur Chrome par Google ainsi que l’interdiction de passer des accords d’exclusivité avec des fabricants de smartphones pour installer son moteur de recherche par défaut. Il demande aussi que le géant technologique soit contraint de partager les données qu’il utilise pour produire les résultats de recherche sur son moteur. La firme compte faire appel de sa condamnation et a indiqué sur X : «Nous attendrons l’avis de la Cour. Nous continuons à penser fermement que sa décision initiale était erronée et nous nous préparons à faire appel en temps voulu»
La fin du « Too big to fail » ?
Le procès antitrust contre Google soulève une interrogation fondamentale : les États-Unis, patrie du capitalisme et berceau des géants technologiques, sont-ils prêts à démanteler une entreprise aussi emblématique et rentable que Google, symbole de leur puissance économique ? L’enjeu dépasse la seule application du droit de la concurrence : il est à la fois politique, économique et symbolique. Politiquement, cette affaire traduit une rupture avec plusieurs décennies de dérégulation favorable aux grandes entreprises, au profit d’une ligne plus interventionniste portée par une nouvelle génération de juristes et de responsables publics, comme Lina Khan, qui souhaitent repenser le rôle des GAFAM dans l’économie et la société américaine . Économiquement, le démantèlement éventuel de Google représenterait un choc pour l’industrie technologique et les marchés financiers, tant l’entreprise irrigue d’innombrables secteurs — publicité, cloud, intelligence artificielle, objets connectés. Symboliquement, enfin, c’est la remise en cause d’un modèle fondé sur l’hyper-croissance et l’impunité régulatoire. Google se pensait peut-être « too big to fail » L’expression (en français : « trop gros pour faire faillite« ) désigne une entreprise — généralement une grande banque ou un géant industriel ou technologique — dont la faillite aurait des conséquences catastrophiques pour l’économie dans son ensemble, au point que l’État se sentirait obligé d’intervenir pour la sauver. Ici, Google pensait que son omniprésence dans des secteurs clés pouvait la protéger. C’est la position défendue par Sundai Pichai, le PDG d’Alphabet (maison mère de Google) : « Diviser Chrome aurait de nombreuses conséquences imprévues, y compris exposer les utilisateurs à des risques de cybersécurité que notre entreprise est la mieux placée pour gérer. »
Cette défense est vivement critiquée par les détracteurs de la firme comme à l’instar de la déclaration du vice-président de l’entreprise Yelp : « C’est exactement le genre de discours alarmiste auquel on peut s’attendre de la part de Google alors qu’ils cherchent à maintenir leur monopole illégal sur la recherche – et à le transformer en avantage dans l’IA. »
Comme l’explique Olivier Tesquet dans un article, Trump se retrouve pris en étau entre deux courants antagonistes au sein de son camp. Un groupe pro-business qui soutient le monde de la tech affronte la mouvance nationaliste-populiste de J.D. Vance où le Vice-Président et ses partisans mènent une guerre culturelle à la Silicon Valley californienne.
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