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Sabotage des infrastructures réseaux : comment se prémunir ?
Fin avril, une série d’actes de malveillance sans précédent paralysait simultanément le trafic Internet dans plusieurs régions. Alors que l’enquête suit son cours, les fédérations professionnelles appellent à un durcissement des sanctions et à un grand plan dédié à la résilience des réseaux.
Dans la nuit du 26 au 27 avril, le réseau national de fibre optique a subi des actes de malveillance d’une ampleur sans précédent, entraînant des ralentissements et des coupures d’accès dans plusieurs métropoles dont Grenoble, Besançon, Reims et Strasbourg ainsi qu’en Ile-de-France. Des clients de Free ont vu leur connexion fortement perturbée et, dans une mesure moindre, ceux de SFR.
Environ 1% des abonnés de Free étaient impactés selon l’opérateur qui, sur son fil Twitter, postait des photos des câbles de fibre optique sectionnés. De son côté, la Fédération Française des Télécoms (FFTélécoms) indiquait, dans un communiqué de presse, que les connexions avaient été rapidement rétablies mais que les travaux de réparation seraient « néanmoins très lourds. »
Une enquête a été immédiatement ouverte par le parquet de Paris pour, selon l’AFP, « détérioration de bien de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation », « entrave à un système de traitement automatisé de données » et « association de malfaiteurs ». Elle a été confiée à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et à la sous-direction antiterroriste (SDAT).
Si les résultats de l’enquête n’ont pas encore été rendus publics, une piste pourrait, selon Le Journal du Dimanche, conduire à la mouvance de l’ultra-gauche. Pour appuyer cette thèse, le media fait un lien avec Sans Nom, « nouveau site anarchiste d’agitation ». Dans un billet, celui-ci ne revendique pas le sabotage mais se réjouit qu’en « une belle nuit, Internet fut coupé dans une bonne partie du pays… »
Volonté de nuire et mise en danger d’autrui
Alors qu’il est malheureusement courant que des armoires de rue, des répartiteurs de fibre optique ou des antennes mobiles 4G/5G soient pris pour cibles, les actes de sabotage de fin avril ont surpris par leur ampleur. De manière concertée, les acteurs ont sectionné, dans trois régions différentes et à quelques minutes d’intervalle, des câbles longue distance. Encore appelés backbone, ils servent à relier les différentes régions sur des centaines de kilomètres.
Philippe Le Grand, Président d’InfraNum, la fédération qui représente les acteurs de la filière des infrastructures numériques, pointe une volonté de nuire. « Les malfaiteurs connaissaient parfaitement les points névralgiques du réseau, savaient comment s’y prendre et étaient visiblement dotés d’outils professionnels. »
Il met aussi en avant la gravité des faits. « S’attaquer à des réseaux essentiels avec des zones coupées d’accès pendant plusieurs heures s’apparente à une mise en danger d’autrui. Ce type d’actes peut entraîner des conséquences dramatiques en désorganisant, par exemple, les services d’urgence. »
Quant à Michel Combot, Directeur général de FFTelecoms, la fédération qui réunit les opérateurs télécoms, il s’interroge, de son côté, sur une possible coordination et des complicités internes. Face à tel délits, il réclame un durcissement des sanctions pénales. « Elles ne sont pas assez dissuasives. Un délinquant qui fait un graffiti sur un abribus ou sectionne un câble est exposé à la même sanction. »
Selon la FFTelecoms, il faudrait passer de deux ans de prison maximum à cinq ans et de 30 000 euros d’amende maximum à 75 000 euros. Pour lutter contre ces actes de vandalisme, la fédération a déjà conclu une charte avec le ministère de l’Intérieur, déclinée au niveau départemental. « Il est important pour un opérateur de savoir quoi faire face à de tels actes, poursuit Michel Combot. Peut-il immédiatement procéder aux réparations ou doit-il attendre les forces de l’ordre ? »
Cette coopération doit, selon lui, s’étendre au volet préventif. « Si les services de renseignement informent les opérateurs que des opérations se préparent à l’encontre de leurs infrastructures, ces derniers peuvent mettre sur place des caméras de surveillance ou dépêcher des équipes de sécurité. »
Et comme on ne peut mettre un gendarme derrière chaque pylône ou chambre de tirage de la fibre, il s’agit aussi de renforcer leurs accès. Considérés comme des opérateurs d’importance vitale (OIV), les opérateurs télécoms ont déjà vu, depuis la loi de programmation militaire votée en 2013, leur niveau de sécurité rehaussé.
Un Grenelle de la résilience
De son côté, InfraNum mène, en partenariat avec la Banque des Territoires, une étude relative à la résilience des infrastructures numériques dont elle restituera les travaux le 22 juin à Bruno le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ou au futur secrétariat du Numérique.
Parmi les 30 mesures avancées dans le cadre des élections présidentielles, InfraNum proposait déjà d’organiser « un Grenelle de la résilience et de la souveraineté des infrastructures numériques à l’aune de la décentralisation des réseaux. »
Pour gagner en résilience, quelques pistes sont déjà esquissées comme la redondance des nœuds techniques afin de multiplier les voies de secours ou l’enfouissement des infrastructures. « Plus de la moitié de nos dessertes sont en aérien, note Philippe Le Grand. C’est une tradition française alors que la Belgique a davantage une culture du câble. »
Ce grand plan sur la résilience aurait aussi pour mérite de donner de l’activité à la filière alors que le plan France Très Haut débit est censé s’achever cette année.
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