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OSINT : open information, a new ally for law enforcement and intelligence


Par Nicolas DE RYCKE Président de la société Elephantastic Software
L’OSINT une méthode et un savoir faire
Cette montée en puissance s’explique par la nécessité de comprendre et d’exploiter les données accessibles publiquement (réseaux sociaux, forums, plateformes en ligne, etc.) pour accélérer leurs enquêtes et gagner en efficacité. Pour autant, l’OSINT ne s’improvise pas : derrière cet acronyme se cachent des méthodes, des bonnes pratiques et des compétences qui ne s’acquièrent pas du jour au lendemain. Les agents et analystes ont donc besoin de formations adaptées.
La multiplication des challenges de type « Capture The Flag » (CTF), organisés ou soutenus par des acteurs publics tels que le ministère des Armées, le ministère de l’Intérieur ou la DGSE, témoigne également de cet engouement. Ces compétitions, au-delà de leur dimension ludique, constituent un terrain d’entraînement idéal pour développer les compétences OSINT, attirer de nouveaux talents et encourager le développement d’une expertise nationale dans le domaine.
Une discipline complémentaire qui se professionnalise
Une fois les fondamentaux maîtrisés, les outils prennent (en partie) le relais. Des solutions techniques, plus ou moins spécialisées, permettent d’automatiser et de guider les recherches. On assiste ainsi à un marché de l’OSINT en pleine croissance, principalement animé par des acteurs internationaux – Israël, Russie, États-Unis – qui restent souvent limités à leur propre sphère et peu visibles en dehors de cercles restreints. Malgré tout, il existe une forme de « sensibilité » autour du recours à l’OSINT, car même si les informations sont libres d’accès, il faut pouvoir compter sur des éditeurs de solutions fiables et de confiance pour collecter, trier et analyser ces données sans risque.
Il ne faut toutefois pas se méprendre : l’OSINT n’est qu’une facette du renseignement qui vient compléter l’arsenal déjà existant, du classique accès aux fichiers centralisés de la police aux réquisitions judiciaires, en passant par les données fournies par les opérateurs téléphoniques. Prenons un exemple concret : on dispose d’un numéro de téléphone, mais on ignore à qui il appartient réellement. Le titulaire de la ligne n’est pas forcément l’utilisateur effectif, surtout dans un contexte criminel. En croisant des informations publiques, on peut vérifier si ce téléphone est lié à un compte WhatsApp, ou même s’il a servi pour s’inscrire au programme de fidélité d’un fast-food. Au final, dans l’univers numérique, l’email et le téléphone constituent souvent la véritable « carte d’identité » des individus.
Quel est l’apport de l’OSINT dans la pratique de l’investigation ?
Les réseaux sociaux, première piste évidente : le premier réflexe, lorsqu’on parle d’OSINT, est souvent de s’intéresser aux réseaux sociaux. Et à juste titre. Un grand nombre d’individus partagent librement des informations qui, sans ces plateformes, resteraient confinées à la sphère privée : voyages, déplacements, signes extérieurs de richesse, cercle familial ou amical… Pour l’enquêteur, ces indices publics constituent un point d’entrée essentiel.
Professionnaliser l’approche face à des cibles plus prudentes : certains criminels et cibles d’enquête, conscients de ces risques, deviennent plus discrets sur les réseaux sociaux traditionnels sans pour autant s’en éloigner totalement. Ils adoptent des pseudonymes ou cloisonnent leurs informations. C’est là que l’OSINT prend toute sa dimension. Il ne s’agit plus de taper un nom dans la barre de recherche Facebook, mais de développer des techniques affinées : vérifier si un e-mail ou un numéro de téléphone est associé à un compte, cartographier le réseau relationnel (famille, amis) et analyser les « likes » et commentaires pour retrouver la cible. On sort de la simple fouille pour entrer dans un véritable processus de renseignement.
Les applications mobiles, nouvel eldorado de l’OSINT : une tendance de fond s’est imposée avec les smartphones, l’utilisation d’applications pour presque tous les besoins du quotidien. Or, pour s’inscrire sur ces services, il faut s’identifier avec un élément clé, plus unique qu’un nom : une adresse e-mail, un numéro de téléphone, voire un pseudonyme récurrent. Ces marqueurs, véritable or de l’OSINT, permettent de dresser un portrait plus complet de la cible. Quelles applications utilise-t-elle ? Sur quels réseaux sociaux est-elle présente ? Depuis quand ? L’historique, la fréquence d’utilisation et les interconnexions entre ces données fournissent un tableau beaucoup plus précis.
De l’indice anodin à la preuve exploitable : l’OSINT n’a pas besoin d’être complexe pour être efficace. Un simple détail peut faire avancer une enquête. Par exemple, un e-mail associé à un compte Airbnb, Amazon ou Nike peut justifier une réquisition auprès de la plateforme concernée, qui fournira alors des informations clés : dernière date de connexion, adresse de livraison, historique de commandes… Autant de données exploitables pour valider une hypothèse ou localiser un suspect.
Exploiter chaque détail : un pseudonyme découvert sur un forum ? Cherchez où ce même pseudo a pu ressurgir. Les criminels aussi commettent des erreurs, réutilisent parfois leurs identifiants, dévoilant ainsi des pans entiers de leur présence en ligne. À travers une méthodologie OSINT structurée, chaque petite information s’imbrique dans un puzzle plus vaste, permettant in fine de confirmer des identités, des habitudes, des réseaux de contacts ou des schémas de comportement.
L’OSINT, une discipline accessible et rentable
L’OSINT présente un coût modéré par rapport à d’autres méthodes d’investigation. Contrairement aux opérations de forensic – terme qui désigne l’analyse légale et approfondie d’appareils ou de systèmes informatiques dans le but d’en extraire des preuves numériques – l’OSINT ne nécessite pas, à la base, de matériel spécialisé ni de logiciels particulièrement coûteux. Il est possible de mener des recherches et de collecter des informations accessibles au grand public en utilisant simplement un ordinateur, une connexion Internet et un minimum de compétences. Toutefois, l’investissement dans des outils dédiés – du logiciel d’investigation spécialisé aux plateformes d’automatisation avancées – permet de gagner considérablement en efficacité, en rapidité et en profondeur d’analyse. Cela donne aux enquêteurs la possibilité de filtrer, traiter et corréler des volumes de données bien plus aisément, d’identifier des patterns cachés et de débusquer des comptes ou des connexions qu’ils auraient pu manquer avec une approche purement artisanale. Enfin, cette phase d’automatisation dans la collecte permet à l’enquêteur de se concentrer sur son cœur de métier : l’analyse. En somme, on peut commencer petit, mais l’ajout d’outils professionnels décuple la valeur de l’OSINT.
L’OSINT offre un autre avantage majeur sur les disciplines plus techniques : il peut être pratiqué par des opérateurs curieux et débrouillards, parfois formés « sur le tas ». Si les formations spécialisées en OSINT demeurent encore rares, certains établissements, comme l’École de Guerre Économique, ont été précurseurs dans ce domaine (note : j’y ai enseigné l’OSINT dès 1997). Aujourd’hui, grâce à un accès facilité aux sources ouvertes et à la multiplication des ressources pédagogiques en ligne, l’OSINT se déploie plus simplement et plus largement que jamais, rendant cette approche particulièrement attractive pour les forces de l’ordre et les services de renseignement.
Nicolas de Rycke
Nicolas de Rycke est Président d’Elephantastic
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