Retour sur une table ronde organisée lors de l’European Cyber Week qui a réuni la Ruche Thales, le CERT Orange Cyberdéfense, l’INRIA et la start-up Sekoia. Gros plan sur les dispositifs mis en œuvre pour faciliter les projets en commun et les transferts technologiques.

La collaboration entre start-ups de la cybersécurité et grands groupes, quand elle est bien pilotée, peut être mutuellement très bénéfique. Les grands groupes disposent en effet de ressources substantielles, telles que des financements, une expertise technique, un accès au marché et une crédibilité établie dont les start-ups peuvent tirer profit pour développer leurs produits, élargir leur carnet d’adresses et accélérer leur croissance.

À l’inverse, les start-ups sont source d’innovation pour les grands groupes. Porteuses d’idées et d’approches le plus souvent disruptives, elles sont également plus agiles, ce qui leur permet d’expérimenter et d’itérer rapidement. Autant de bénéfices dont peuvent se nourrir les grandes organisations qui cherchent à rester compétitives.

Ce sujet de la collaboration entre les jeunes pousses spécialisées en cybersécurité et les grands comptes a été débattu lors d’une table ronde intitulée « Garantir l’espace technique et technologique » organisée lors de l’European Cyber Week, événement qui s’est tenu à Rennes, en novembre 2023.

La Ruche Thales et le CERT Orange Cyberdéfense : deux exemples concrets

Thierry Lemoine, cofondateur et directeur cyberdéfense et maîtrise de la donnée au sein de La Ruche Thales, entité du groupe Thales située près de Rennes et spécialisée en cyberdéfense, apporte son témoignage : « Nous avons fait en sorte de créer, dès l’origine, des partenariats académiques avec des écoles, mais aussi de nous rapprocher des start-ups, et plus largement du tissu industriel local. Cela nous apporte bien évidemment des idées, sur des solutions techniques, que nous pouvons adapter à notre contexte. Du côté des start-ups, le partenariat leur donne accès à des contrats et des marchés qu’un grand groupe comme Thales peut adresser plus facilement que de petites structures. »

Selon Rodrigue Le Bayon, responsable du CERT Orange Cyberdéfense, collaborer avec des start-ups nécessite d’être extrêmement vigilant quant au dispositif mis en place. « Afin de ne pas perdre de temps, il est nécessaire de bien définir les cas d’usage. Une fois cette étape réalisée, nous traitons ces cas d’usage avec nos experts. Cependant, nous sommes parfois amenés à étendre notre collaboration, en interne, avec Orange Innovation, sur les sujets que nous ne maîtrisons pas totalement. Nous leur soumettons donc des cas d’usage, mais nous leur déléguons aussi la recherche de start-ups, car il est primordial de ne pas chercher à réinventer quelque chose qui existe déjà ».

Une fois que le bon partenaire a été identifié pour une collaboration donnée, il faut être très attentif à la manière de procéder avec la start-up choisie. « Il ne faut pas que nous allions l’écraser de la lourdeur de toute notre organisation, que ce soit celle du CERT, d’Orange Cyberdéfense ou bien encore d’Orange. Lors de la première réunion, nous pouvons être huit personnes côté CERT et, en face, avoir les deux cofondateurs de la jeune pousse. Si nous leur faisons miroiter l’opportunité de leur présenter une centaine de clients en un ou deux ans, ils vont avoir les yeux qui brillent. Mais la réalité peut être tout autre. En effet, pour obtenir un retour terrain ne serait-ce qu’avec un client, cela peut prendre 12 à 24 mois. C’est long, et même très long pour une start-up. Il faut donc faire attention à bien adapter notre gouvernance à ce type de structure afin que la collaboration soit la plus efficace possible », note Rodrigue Le Bayon.

Un programme de transfert dans les Campus Cyber

Du côté de la recherche, et plus précisément de l’INRIA, le constat qui ressort est que « les échanges, les interactions et les collaborations entre le monde de la recherche publique et les industriels, c’est-à-dire les start-ups et les grands groupes, sont largement insuffisants », selon les propos de Hubert Duault, responsable du programme cybersécurité à l’INRIA. Malgré tout, l’État a développé une stratégie nationale de cybersécurité, notamment à travers le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI). « Dans le cadre de cette stratégie nationale de cybersécurité, il existe deux volets qui me paraissent intéressants pour illustrer comment il est possible de développer la collaboration entre le monde de la recherche et les start-ups », note Hubert Duault.

Le premier volet est constitué par le réseau des Campus Cyber qui s’étoffe progressivement en région. Après ceux de Paris, Lille (Hauts-de-France Lille Métropole) et Pessac (Nouvelle-Aquitaine), d’autres sont annoncés, notamment en Bretagne. « Dans ce cadre, l’INRIA opère pour le compte de l’ensemble de la communauté académique un programme qui porte le nom de ‘Programme de transfert au Campus Cyber’. L’objectif est d’assurer le transfert des connaissances et des compétences du monde académique vers le monde industriel, notamment pour déterminer les besoins et les solutions qui sont nécessaires à mettre en œuvre, et surtout pour les développer conjointement », explique Hubert Duault.

Le deuxième volet est constitué par un appel à projets sur des projets de transfert, donc dans une démarche davantage orientée vers l’aval. « Les TRL (Technology Readiness Levels ou niveaux de maturité technologique) sont un peu plus abouties, compris entre trois et cinq. Nous finançons dans ce cadre des projets portés par des consortiums public / privé. Et quand on parle de collaboration entre la recherche et les entreprises, quoi de mieux que de développer conjointement les solutions dans le cadre d’un projet de recherche et d’un projet de transfert financé là aussi dans le cadre de ce programme de transfert ? », commente Hubert Duault.

Développer sa start-up grâce aux appels à projets et aux concours

Enfin, pour David Bizeul, cofondateur et Chief Scientist Officer au sein de la start-up Sekoia, éditeur de solutions de cybersécurité, le développement de son entreprise passe, entre autres, par la participation à des appels à projets et à des concours. « Nous avons énormément de chance en France, en tant que start-up, de pouvoir répondre à des appels à projets ou de participer à des concours comme i-Nov (dispositif de soutien financé par le plan France 2030) ou Grand Défi (organisé par BPIfrance). Ces événements permettent d’aller chercher des subventions et de financer une partie de nos projets ».

Et David Bizeul de conclure : « Si la contribution à un appel à projets permet de faire avancer la roadmap, alors cela signifie que l’alignement est parfait entre ce que le projet subventionné va permettre de réaliser et ce que l’entreprise cherche à faire. Cela nourrit un objectif plus global qui peut être, par exemple, le développement de capacités souveraines en France, ou le développement de synergies complémentaires entre acteurs, petits ou gros. Cela a en effet du sens de créer du liant entre différentes briques technologiques ou différentes entreprises en France. »

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