Au commencement était le verbe. Et le verbe était tourné vers l’octet, et le verbe était l’octet.

Au commencement des services informatiques – que l’on n’appelait pas encore des « directions des systèmes d’information » – étaient les systèmes. Les systèmes en question étaient des grosses machines au bruit infernal et au sein desquelles couraient les cafards (littéralement les bugs) qui allaient se mettre entre les circuits et provoquaient des court-jus.

Puis vint l’informatique centralisée, les centraux, dont la seule capacité était de dérouler des batchs ou programmes sans interaction directe avec les utilisateurs finaux. Il fallait prendre son ticket (au sens littéral), attendre son tour qu’un informaticien – certains les appelaient des « programmateurs » – perce des petites cartes perforées qui allaient ensuite être glissées dans la machine qui ensuite allait recracher le résultat : une statistique, un listing, un chiffre.

C’était le temps durant lequel les informaticiens, qui maîtrisaient le fonctionnement de ladite machine, étaient les rois de ce service informatique, la révolution Copernicienne n’était pas encore passée par là. Ce temps dura longtemps, longtemps ceux que l’on allait ensuite nommer les « adminsys » ou « ingénieurs système », qui allaient décider de ce qui se ferait ou pas au sein du service. Compétences techniques jalousement gardées ou réellement très complexes, chacun se fera son idée. C’était le temps du système.

Le temps passa et passe le temps et, un beau jour, sans que l’on sache véritablement qui ni pourquoi, on décida que le service informatique devait résolument se tourner vers ses utilisateurs et qu’il appartenait à ces derniers et à eux seuls de décider ce qui se ferait ou pas en informatique. Certains de l’ancien temps vécurent difficilement cette perte de pouvoir, qui cependant parut inéluctable. Et cela coïncida en partie avec l’arrivée du PC.

Du back office au front office

On parla d’enquête de satisfaction utilisateur, on parla d’ISO 9 001, on parla d’ITIL : le temps du back office était passé, celui du front office démarrait. Centre d’appel, équipe micro, hotline puis rapidement les « assistants fonctionnels » au chevet de l’utilisateur aux prises avec des logiciels de plus en plus complexes, il sembla que les anciens rois avaient été irrémédiablement chassés du pouvoir. C’était le temps où le centre du monde se situait alors dans les schémas directeurs, les plans de déploiement des logiciels cœur de métier, les chefs de projet fonctionnels, les interfaces d’interopérabilité, les équipes de formation. C’était le temps des progiciels.

Mais avec la multiplication des systèmes techniques (serveurs, appliance, pare-feu, routeurs), les anciens rois revinrent. Explosion des datacenters, enjeux de disponibilité croissants, liaisons hauts débits entre site, il sembla que l’ancien monde était revenu plus vite qu’au travers d’une fibre optique. On parla de virtualisation, on parla d’architectures trois tiers, de frontaux de présentation. C’était le temps de la haute disponibilité.

Puis vinrent les auditeurs. Ils arrivèrent de services spécialisées ou d’ESN pointues, avec leurs tableaux Excel, leurs méthodes d’échantillonnage, leurs présentations aux slides bien léchées, ils donnèrent des notes, des recommandations plus ou moins coercitives. Et ils essaimèrent : qualiticiens, délégués à la protection des données, RSSI, auditeurs techniques : tous plus ou moins observaient, notaient, jugeaient.

Les rois d’avant, et ceux d’avant, et ceux encore d’avant se virent auditionnés, enjoints de produire tableaux et indicateurs, jugés sur l’évolution des courbes et graphiques, notés, et encore auditionnés, et encore enjoints. C’était le temps de l’ISO. Ce temps a commencé il y a plusieurs décennies dans certains secteurs, il y a peu dans d’autres. Ce temps va durer, peut-être autant que les temps précédents, peut-être un peu plus ou un peu moins. Mais ce temps se finira. Dans cinq ans, dix ans ou plus, nul ne sait.

Les rois précédents ne sont plus rois mais sont toujours là. Les rois de l’ISO seront un jour à leur tour chassés par d’autres rois, qui peut-être existent déjà dans quelque cerveau d’adolescent visionnaire. Les rois de l’ISO iront alors rejoindre les anciens rois et feront place. A moins que le cycle ne recommence et que la planète Octet ne se remette à tourner encore pour les prochaines décennies autour des rois adminsys. Nul ne sait.

Au commencement était le verbe. Et le verbe était tourné vers l’octet, et le verbe était l’octet.

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