Avec les avancées continues de l’intelligence artificielle (IA), les deepfakes se répandent à une vitesse alarmante. Ces créations posent des défis majeurs quant à l’authenticité des contenus et à la fiabilité de l’information. Face à ce défi, la blockchain émerge en tant que solution potentielle.

Lors de sa conférence « Ignite », le 15 novembre 2023, Microsoft a présenté Azure AI Speech, un outil permettant de créer des clones vocaux dans plus de 40 langues. Bien que prometteuse, cette technologie souligne également la facilité croissante de générer des deepfakes. Fusion de « deep learning » et « fake », ils désignent des vidéos ou des enregistrements audio trompeurs créés par IA. Ils peuvent être si convaincants qu’ils semblent authentiques, posant des défis éthiques et sécuritaires considérables.

Le Forum Économique Mondial note une augmentation de 900% des deepfakes en ligne, entre 2022 et 2023, soulignant l’intérêt et l’impact croissants de cette technologie. Leur création, désormais accessible avec une expertise technique minimale, rend cette pratique largement répandue. Les deepfakes servent à des fins variées. Dans le divertissement, ils ont permis de rajeunir Harrison Ford dans le dernier Indiana Jones. En cybercriminalité, ils sont utilisés pour des activités malveillantes comme le chantage ou le vol d’identité. Par exemple, un logiciel de mimétisme vocal a permis le vol de 240 000 dollars, démontrant l’usage criminel des deepfakes.

Les deepfakes affectent également le monde des cryptomonnaies, notamment en compromettant certains processus de KYC (Know Your Customer). Par exemple, d’après Stable Diffusion, une image générée par IA a récemment réussi à passer la vérification pour une banque. Cela dit, les échanges centralisés, répondant à la régulation, optent pour des solutions certifiées pour maintenir leur conformité.

La lutte contre les deepfakes : rôle de la blockchain

Face à ces défis, les blockchains publiques, avec leur sécurité et leur transparence intrinsèques, offrent des solutions prometteuses pour authentifier les contenus multimédias. Grâce à leur caractéristique d’immuabilité, elles pourraient assurer l’authenticité du contenu numérique en employant des fonctions de hachage pour détecter toute modification des fichiers originaux. Des fonctions clés telles que l’horodatage et la traçabilité permettraient de déterminer l’origine et le moment de création des contenus.

Toutefois, cela impliquerait l’adoption de standards universels pour la capture et le traitement des données, ainsi que l’usage par défaut de la cryptographie et des blockchains pour sécuriser et vérifier ces informations. Néanmoins, leur utilisation en l’état actuel ne résoudrait pas complètement les problèmes liés à d’éventuelles modifications postérieures et soulèverait d’importants enjeux de confidentialité des données, ce qui limite leur efficacité comme unique solution contre les deepfakes.

Certaines entreprises optent pour des technologies validant les informations plutôt que prouvant leur altération. Oscar Mairey, responsable de la communication Web3 chez iExec, souligne l’importance d’une infrastructure décentralisée pour certifier l’authenticité des vidéos et des photos, afin de ne pas avoir à faire confiance à un tiers corruptible. La solution développée par iExec, nommée DataProtector, chiffre les données et applique des règles de gouvernance sur ses données grâce à des smart contracts.

Ainsi, seules les applications autorisées pourront utiliser les données qui seront manipulées dans un environnement sécurisé appelé Trusted Execution Environment (TEE). Il estsoutenu par le côté matériel et logiciel afin de garantir l’intégrité et la confidentialité de l’exécution du code et des données.

Par exemple, un processus de KYC chiffré et partagé onchain va pouvoir certifier l’identité d’une personne sans devoir dévoiler au grand public les documents officiels utilisés pour le processus de KYC. Gilles Fedak, PDG d’iExec, met également en avant l’efficacité des solutions décentralisées : « En utilisant un KYC décentralisé, nous permettons non seulement de vérifier l’authenticité d’une vidéo, mais aussi de créer un système de réputation transparent et incorruptible. »

Bien qu’une des préoccupations concerne l’utilisation de cet outil pour éluder la responsabilité en cas d’actes illégaux, la nature publique et transparente des transactions sur une blockchain décentralisée expose l’historique des actions. Ceci ouvre la voie à une ère nouvelle : celle de la confiance numérique. « En utilisant la blockchain, nous établissons une véracité indiscutable, essentielle dans la lutte contre les deepfakes », confirme Gilles Fedak.

Dans la pratique, un homme politique ayant validé son identité via un protocole développé sur les solutions d’iExec pourrait lui-même confirmer ou infirmer l’authenticité d’une vidéo le concernant. Les informations attestant la véracité du média seraient rendues publiques, permettant ainsi aux journalistes de diffuser le contenu sans nécessiter d’analyses supplémentaires de véracité, tout en préservant la confidentialité des données personnelles.

Il deviendrait alors facile de distinguer si une vidéo est un deepfake ou non, et de diffuser cette information de manière transparente. Si un homme politique utilise abusivement ce pouvoir pour nier des faits dont il est réellement l’auteur, le caractère immuable de l’enregistrement sur la blockchain fournirait au moins une preuve de son mensonge.

Autre solution fondée sur la blockchain : les ZKP (Zero-Knowledge Proof Protocols ou Protocoles de preuve à divulgation nulle de connaissance) émergent également comme une solution potentielle, offrant confidentialité et scalabilité aux blockchains publiques. Les Layer 2 fondés sur ces algorithmes, les ZKP-Rollups pourraient jouer un rôle clé dans la lutte contre les deepfakes à l’avenir.

Outils technologiques et méthodologie journalistique

D’autres solutions technologiques ont été développées pour relever le défi des deepfakes et de la désinformation. Deepware, par exemple, est un outil avancé qui utilise l’intelligence artificielle pour détecter les manipulations subtiles dans les vidéos. Hoaxy se distingue en traçant la propagation des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux, offrant une perspective unique sur la désinformation.

Sensity AI cible spécifiquement les deepfakes en analysant les vidéos pour repérer les altérations souvent imperceptibles à l’œil humain. ClaimBuster, quant à lui, se concentre sur la vérification du contenu textuel des vidéos, comparant les déclarations aux bases de données établies.

Toutefois, les méthodes de lutte contre les deepfakes ne sont pas uniquement technologiques. Une approche axée sur la vérification des informations par l’évaluation de la crédibilité des sources d’information demeure une des meilleures manières de découvrir la vérité sur un contenu multimédia. Cette méthode consiste à juger la fiabilité et l’exactitude de l’information, fondée sur l’impartialité, la transparence et le respect des normes journalistiques.

Ensemble, ces outils constituent une défense de plus en plus robuste contre la désinformation et les vidéos trompeuses, contribuant ainsi à la protection de l’intégrité de l’information à l’ère du numérique.

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