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Le quantique au service du spatial : révolutionner les applications satellitaires


La double-rupture de la technologie quantique : décrypter et crypter
L’un des aspects les plus cruciaux de la technologie quantique concerne son impact sur la cryptographie, particulièrement la cryptographie à clé publique (RSA) utilisée aujourd’hui pour sécuriser la plupart des communications numériques. Les algorithmes de chiffrement actuels reposent sur des problèmes mathématiques complexes, comme la factorisation des grands nombres premiers ou le calcul des logarithmes discrets. Cependant, les ordinateurs quantiques, en raison de leur capacité à résoudre ces problèmes en utilisant des algorithmes comme celui de Shor, pourraient demain rendre obsolètes ces systèmes de cryptage. Actuellement, les satellites de télécommunications en orbite géostationnaire sont dotés de clés de cryptage changées à intervalle régulier, dont le code fait entre 256 et 512 bits. Soit 1,34.10154 possibilités dans le cas d’un code de 512 bits. Si un ordinateur classique puissant met plusieurs années pour décoder une telle clé de cryptage, un ordinateur quantique, dont la puissance de calcul est réputée jusqu’à mille fois supérieure, mettrait probablement beaucoup moins de temps.
Si l’ordinateur quantique pose des défis en matière de décryptage, cette même technologie offre de précieux atouts en matière cryptage et donc de sécurisation des transmissions. La cryptographie quantique repose sur les principes fondamentaux de la mécanique quantique, et plus particulièrement sur le phénomène d’intrication de photons. Les clés de cryptage générées par des algorithmes quantiques sont réputées inaccessibles pour tout intrus, car toute tentative d’interception perturberait immédiatement le signal. Cette cryptographie quantique pourrait donc remplacer les technologies de chiffrement classiques et garantir une sécurité totale, même face aux puissants ordinateurs quantiques qui pourraient émerger dans les prochaines décennies.
Les applications futures : des satellites plus intelligents et des réseaux inter-satellites
L’application de la technologie quantique au spatial ne se limite pas à la cryptographie. Plusieurs autres pistes de développement sont en cours d’exploration, notamment en ce qui concerne l’optimisation des performances des satellites. L’un des domaines les plus prometteurs est celui de la navigation quantique. Grâce à l’utilisation de capteurs quantiques ultra-sensibles, il serait possible d’améliorer la précision des systèmes de navigation des satellites GNSS.
Des capteurs gravitationnels quantiques, capables de détecter des variations minimes du champ gravitationnel, pourraient aussi révolutionner la cartographie et la surveillance des mouvements de la Terre, ainsi que la détection d’astéroïdes ou d’autres objets célestes menaçant la planète. Par ailleurs, ces capteurs pourraient permettre de mener des études géodésiques d’une précision inédite, en mesurant par exemple les mouvements de plaques tectoniques ou les variations du niveau de la mer avec une précision jamais atteinte.
La Chine : un acteur précurseur du quantique spatial
En démontrant en 2016 la faisabilité d’une transmission quantique de données depuis l’espace, la Chine s’est positionnée avec son satellite MOZI à l’avant-garde d’un domaine qui promet d’importantes ruptures. Plus récemment, selon un article du South China Morning Post, la Chine et la Russie auraient établi en janvier 2024 une communication quantique sur une distance de 3800 kilomètres. La communication s’est étendue d’une station terrestre près de Moscou à une autre près d’Urumqi, dans la région occidentale du Xinjiang en Chine.
S’il est difficile de prouver la véracité de l’ensemble des déclarations, une chose est certaine : l’intérêt de Pékin pour le recours au quantique spatial est considérable. En 2022, l’Académie chinoise des sciences, à l’origine du programme MOZI, mettait en orbite un second satellite dédié à la recherche en communication quantique, Jinan-1. Ce dernier, d’une masse d’à peine 100 kilogrammes, visait notamment à tester la distribution de clés quantiques à l’aide de composants miniaturisés. Le 3 octobre 2024, cette même académie annonçait son intention de lancer en 2027 deux à trois satellites de communication quantique en orbite moyenne.
L’ensemble de ces programmes répond à un objectif précis : installer un réseau de communication quantique en Chine puis à l’international, reliant plusieurs villes et satellites.
L’Europe et les États-Unis : d’importantes ambitions à réaliser
En Europe, l’ambition de se positionner dans le domaine des technologies quantiques, et notamment dans le spatial, est affichée. Le programme Quantum Communication Infrastructure (QCI), soutenu par l’Union européenne, est l’un des projets majeurs dans ce domaine. Composante centrale du programme Quantum Technologies Flagship , qui bénéficie d’un budget estimé à 1 milliard d’euros sur 10 ans (2020-2030), QCI vise à déployer un réseau de communication quantique interconnecté couvrant l’ensemble de l’Europe.
L’Agence Spatiale Européenne (ESA) joue un rôle clé dans cette initiative. En effet, la mission « Quantum Cryptography in Space », a pour objectif de tester la faisabilité de la cryptographie quantique en orbite. Ce projet doit inclure des tests sur des satellites capables de transmettre des clés quantiques, dans le but de créer une infrastructure sécurisée pour la transmission de données sensibles entre stations spatiales et terrestres. Les résultats de ces expérimentations ouvriront la voie à des réseaux de communication inter-satellites basés sur la cryptographie quantique, avec des applications dans les secteurs militaires, financiers et diplomatiques.
Du côté des États-Unis, les investissements en matière de technologie quantique appliquée à l’espace sont également significatifs. En 2021, la NASA a alloué 30 millions de dollars à des projets de recherche liés à la communication quantique, et plusieurs agences fédérales, dont la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), ont lancé des initiatives pour intégrer la technologie quantique dans des applications militaires et de sécurité nationale. L’un des projets les plus prometteurs est la mise en place de réseaux de communication inter-satellites quantiques. Les entreprises privées américaines comme IBM, Google et Lockheed Martin travaillent également sur des prototypes de satellites utilisant la cryptographie quantique. Plus récemment, en septembre 2024, Boeing annonçait lors du Quantum World Congress, le lancement de son satellite quantique « Q4S » en 2026.
L’espace quantique, une nouvelle frontière
Les investissements durables dans les technologies quantiques par les grandes puissances, à commencer par la Chine, l’Europe et les États-Unis, témoignent de l’importance croissante de cette révolution technologique dans le domaine spatial. Le lancement du satellite MOZI a marqué un tournant décisif dans la sécurité des communications spatiales, tandis que les initiatives européennes et américaines viennent confirmer l’ambition de ces puissances à exploiter le potentiel de la cryptographie quantique et des technologies quantiques pour leurs applications dans l’espace.
La technologie quantique pourrait ainsi transformer de manière radicale les infrastructures spatiales, en permettant non seulement des communications inviolables, mais aussi des avancées majeures en matière de navigation, de surveillance et de détection. Si les défis techniques restent nombreux, notamment en matière de développement d’infrastructures adaptées et de protection des données, les progrès réalisés ces dernières années permettent d’envisager un avenir où l’espace deviendra un terrain d’application des technologies quantiques.
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