Téléphones portables, disques durs, écrans, voitures électriques, éoliennes, robots, 5G : les terres rares sont une ressource primaire stratégique indispensable au progrès technologique autant qu’à la transition écologique. Mais leur difficile extraction, sur laquelle la Chine exerce un quasi-monopole, est paradoxalement très polluante.

Les terres rares, un ensemble de 17 minerais aux propriétés électromagnétiques spécifiques, jouent un rôle essentiel dans une gamme variée de technologies, allant des smartphones aux éoliennes, en passant par les batteries rechargeables. Matériaux stratégiques au cœur de l’innovation, ils sont indispensables à de nombreux dispositifs électroniques et cruciaux pour la fabrication d’aimants puissants utilisés dans les moteurs électriques.

La demande mondiale de terres rares connaît ainsi une croissance exponentielle, alimentée par l’évolution rapide de l’économie numérique. Le paradoxe de cette ressource réside d’ailleurs dans le fait que les éléments nécessaires à la création de technologies vertes contribuent eux-mêmes à la détérioration de l’environnement lors de leur extraction et de leur raffinage. A ce jour, aucune alternative performante n’a été trouvée cependant.

Malgré leur appellation, ces ressources ne sont pas intrinsèquement « rares » ; certaines sont abondamment présentes sur la croûte terrestre. Cependant, la rareté réside dans la complexité du processus d’extraction et de raffinage. D’abord, ces éléments se trouvent généralement dans les minerais à des concentrations extrêmement faibles, rendant le processus d’extraction coûteux et techniquement complexe. À titre d’exemple, l’obtention d’un kilo de Lutécium nécessite en moyenne la fragmentation de 1 200 tonnes de roches.

Ensuite, la similitude chimique étroite entre les différents éléments des terres rares complique leur séparation, exigeant des technologies sophistiquées et l’utilisation de produits chimiques polluants.

Enfin, leur teneur en thorium ou en uranium radioactif ajoute une couche de préoccupations environnementales. Selon le magazine Géo, dans la région autonome de Mongolie intérieure en Chine, les niveaux de radioactivité mesurés dans les villages à proximité de la mine de Baotou seraient 32 fois supérieurs à la normale, dépassant même les chiffres observés à Tchernobyl, qui étaient de 14 fois la normale. C’est cette même raison qui avait conduit à la délocalisation de la raffinerie de terres rares de La Rochelle – qui occupait 50% du marché mondiale dans les années 1980 – en Chine.

Monopole chinois et guerre technologique

Jusqu’aux années 1980, les États-Unis dominaient le marché des terres rares. La Chine a inversé cette tendance grâce à une main-d’œuvre moins onéreuse, des gisements plus vastes et des régulations environnementales moins contraignantes. Depuis 1995, la Chine est devenue le premier producteur mondial, détenant aujourd’hui un quasi-monopole sur l’extraction et le raffinage des terres rares. Selon l’US Geological Survey, elle recense les plus grandes réserves mondiales avec 44 millions de tonnes, représentant plus d’un tiers des réserves identifiées (37%). Avec environ 60% du marché mondial de l’extraction et une part encore plus élevée, atteignant jusqu’à 90%, dans le raffinage, la dépendance à l’égard de la Chine pour ces ressources devient une source d’inquiétude grandissante. La Commission européenne a déclaré que 98% des terres rares utilisées dans l’UE étaient importées de Chine.

Face à cette dépendance croissante, l’Occident s’est engagé dans la quête de nouvelles sources. À partir de la fin des années 2010, des projets de mines et d’usines de raffinage ont fleuri en Australie et au Canada. En 2013, les États-Unis ont réactivé la mine à ciel ouvert de Mountain Pass en Californie, fermée en 1998 après un déversement accidentel de milliers de litres d’eau radioactive. Les terres rares sont également devenues un enjeu majeur dans la guerre technologique et commerciale entre les États-Unis et la Chine.

En juin 2023, sous la pression des États-Unis, les Pays-Bas ont restreint l’exportation des technologies clés liées à la fabrication des puces électroniques. En réponse, le 3 juillet, le ministère du Commerce et l’administration des douanes chinoises ont déclaré que, à partir du 1er août, les exportations de gallium et de germanium – deux terres rares stratégiques pour les puces électroniques notamment – nécessiteraient un visa d’exportation, une mesure prise pour « protéger la sécurité et les intérêts nationaux ».

Union européenne cherche résilience

Le Critical Raw Material Act, publié le 16 mars 2023, dévoile les ambitions de l’Union européenne pour renforcer sa résilience face à la dépendance aux terres rares. Ce cadre fixe des objectifs ambitieux, visant à augmenter la contribution de l’Union européenne à ces substances, avec notamment 10% pour l’extraction, 40% pour le traitement et 15% pour le recyclage. La proposition préconise également une procédure de permis rapide et simplifiée spécifiquement dédiée aux projets d’extraction stratégiques, à être gérée par un unique point de contact national.

Sur la scène mondiale, la régulation propose des mesures pour diversifier les importations de matières premières cruciales, s’assurant ainsi que chaque matière première stratégique ne provienne pas à plus de 65% d’un seul pays tiers, évitant ainsi une trop grande dépendance envers la Chine.

Quelles solutions ?

En janvier 2023, le groupe suédois LKAB a annoncé la découverte d’un gisement de plus d’un million de tonnes, représentant 1% des réserves mondiales identifiées. Cependant, LKAB devra surmonter des défis importants pour obtenir l’acceptabilité sociale nécessaire à l’exploitation. Un gisement comparable, celui de Nora Kärr, également en Suède, est resté gelé pour des raisons environnementales de 2017 à 2020, et bien que les études aient repris, la question de l’exploitation est toujours en suspens. Quoi qu’il en soit, une éventuelle exploitation n’interviendra pas avant dix à quinze ans, temps nécessaire pour ouvrir une mine et la mettre en service.

Concernant le recyclage, seulement 1% des terres rares sont actuellement recyclées en raison de leur présence en petites quantités, rendant difficile leur séparation des autres métaux. Atteindre l’objectif ambitieux de 15% se heurte à plusieurs obstacles, de la longue durée de vie des produits à la complexité de la collecte, sans oublier le rythme effréné de croissance du marché des terres rares et des technologies qui les nécessitent.

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